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du service obligatoire et l’étend, malgré tous les risques, à l’Irlande qu’elle trouvera bien le moyen d’apaiser, en satisfaisant ses légitimes revendications. Loin de se désagréger par l’acide germanique, le bloc de l’Entente se resserre et se fait plus homogène. La coalition, enfin, s’achemine vers l’unité nécessaire. Elle y sera arrivée après plus de trois ans, bien tard, mais non trop tard. C’était l’unité de front qui devait conduire à l’unité de commandement. C’est, au contraire, l’unité de commandement qui affirme l’unité de front et la crée pratiquement, puisqu’en réalité elle n’existait pas. La nécessité a fait, selon l’usage, ce que le conseil n’avait pas su faire ; et rien ne sert d’épiloguer ; l’important est que ce soit fait. Les déclarations de M. Orlando prouvent que l’accord est complet et que l’Italie y prend sa part, y réclame sa place.

Les États-Unis y prennent la leur de plus en plus grande, matériellement, moralement. Ils célébraient, le 6 avril, l’anniversaire de leur entrée dans la guerre pour la liberté et le droit. La haute conscience de M. Wilson ne pouvait manquer de lui dicter, en cette commémoration, de hautes paroles : « L’Allemagne, s’est-il écrié, a dit une fois de plus que la force, la force seule, devra décider si la justice et la paix régneront chez les hommes; si le droit, comme l’Amérique le conçoit, ou la prédominance, comme elle la conçoit elle-même, décidera des destinées de l’humanité. Il n’y a par conséquent, pour nous, qu’une seule réponse possible, c’est la force, la force jusqu’à l’extrême, sans restriction ni limite, la force équitable, triomphante, qui fera du droit la loi du monde et renversera dans la poussière toute domination égoïste. » Ainsi parlait déjà, il y aura bientôt trois siècles, par la bouche de notre Pascal, le plus humain de tous les génies, l’esprit français : « Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, et ce qui est fort soit juste. » Puisque l’Allemagne ne veut pas être juste, il faut que nous sachions être forts. Et puisque « la justice sans la force est impuissante, » que « la force sans la justice est tyrannique, » nous allons mettre ensemble la justice et la force.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant, RENE DOUMIC.