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devenue bien saisissante aujourd’hui : « Je n’ai jamais douté, pour ma part, que l’Angleterre, quel que fût son gouvernement, ne laisserait pas porter la main sur la Belgique. »


Aujourd’hui, depuis trois ans et demi déjà, nous sommes engagés les uns à côté des autres dans la même croisade. Les armées des deux nations tiennent des secteurs voisins. Tout au début, il y eut une période d’étude entre Anglais et Français. On ne se connaissait pas, on se regardait agir l’un l’autre. Bientôt les soldats se comprirent. La camaraderie, bientôt l’admiration confirmèrent l’alliance. Au 1er janvier 1917, dans un ordre du jour à ses troupes, le général Guillaumat célébrait, en une formule heureuse, « l’épanouissement magnifique de l’armée britannique, sujet d’admiration sans bornes pour tous ceux qui ont eu l’honneur de combattre à son côté. »

Rien n’exprime mieux les sentimens d’un peuple que des mots, des anecdotes, cueillis sur le vif, et non point dans quelques pages d’histoire travaillée, mais sur le champ de bataille. J’en recueillerai donc quelques-uns, qui marqueront nettement le caractère de notre amitié.

Un de mes amis, officier supérieur attaché à l’armée anglaise, se dirigeait en automobile vers Hazebrouck. C’était le soir, à la brune, et, comme nous disons, entre chien et loup. Une ombre marchait dans le même sens, sur le côté gauche de la route. Au moment où mon ami allait la dépasser, l’ombre leva les bras, en disant : « Hep, hep, please ? » Mon ami arrêta sa voiture, et vit un tout jeune soldat français, qui demeura interdit, en apercevant un commandant en uniforme.

— Mon commandant, je vous demande bien pardon : je croyais que c’étaient des Anglais !

— Alors, tu demandes aux Anglais ce que tu n’oses pas demander à des officiers français ?

— Ce n’est pas tout à fait cela, mon commandant, mais, les Anglais, ils ont toujours de la place dans leurs voitures, et ils sont si gentils !

Autre histoire. Le 26 novembre 1917, en pleine bataille, et le vrai mot c’est en pleine victoire de Cambrai, un vieux colonel français, correspondant militaire, ramassait des souvenirs, quelques fusées d’obus, en arrière du champ de bataille.