jour. Au physique, ce fils c’était elle, c’était Battista Sforza : la longue figure pâle et anguleuse de Guido, du Palais Pitti, est bien la transposition masculine du profil de la Battista Sforza des Uffizi, par Piero della Francesca et de son buste au Bargello. Au moral, c’était son père, le grand condottiere et le parfait honnête homme du xve siècle, mais son père vieilli, affaibli, tout aussi sage, mais la sagesse sans la force, aux époques troublées, c’est une boussole sans rames, ni voiles. Du moins, cette égalité d’âme, si elle ne lui suffit pas pour diriger les événemens, lui permit de faire paraître, dans leur bourrasque tragique, cette impassibilité qui présage le calme, cette prévoyance qui rassure les esprits, cette courtoisie qui rallie les cœurs.
Sage, impassible et courtois, il se montra dans la maladie,
comme dans la mauvaise fortune, et devant la mort, jusqu’au
bout. Quand son heure sonna, ce fut une heure d’avril 1508, à
Fossombrone, il s’effaça discrètement, comme une ombre passe.
Il finit en vrai Prince de la Renaissance ; non pas dans l’oubli
des commandemens de l’Église chrétienne, mais avec une
sorte de sérénité tout humaine qui, par delà les siècles de terreur et de ferveur, renouait la tradition des philosophes de
l’Antiquité. Il réconforta sa femme, se confessa à son chapelain, instruisit de ses devoirs son successeur, puis, voyant à son
chevet, deux humanistes fameux, Castiglione et Fregoso, il leur
fit cette dernière politesse de mourir en murmurant des vers
de Virgile, et de parer des noms de Cocyte et de Styx, les
ombres froides où il se sentait descendre et engloutir.