Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le début de nos relations, entre Anglais civilisés et Français civilisés, révéla tous les élémens de ce que, dans la suite et bien longtemps après, on put nommer « entente cordiale. »


* * *

Passé le moyen âge, de longs siècles s’écoulent qui sont marqués par de nombreuses luttes entre les armées de France et celles d’Angleterre. C’était la conséquence de l’excessive ambition de certains de vos rois, et vous l’admettez vous-mêmes, vous, Anglais du XXe siècle, qui avez si merveilleusement compris la mission de Jeanne d’Arc, et, maintenant, célébrez avec nous l’héroïne, qui ne s’est opposée qu’à une injustice. En cela, vous êtes véritablement grands et loyaux. Vous avez compris qu’il disait vrai, le secrétaire de Charles VII, notre vieil Alain Chartier, qui déclarait que cette jeune fille était la gloire non pas seulement de la France, mais de la chrétienté tout entière. Vous avez d’ailleurs observé, dans les textes de l’histoire, que Jeanne d’Arc, cette sainte et hardie Française, était bien loin d’avoir du mépris pour ceux qui combattaient le roi de France, encore plus loin de les haïr. Ne disait-elle pas à vos pères : « Si vous faites raison au roi de France, vous pourrez venir en sa compagnie, et entreprendre avec lui une nouvelle croisade ? » De son vivant même, le bruit n’avait-il pas couru que c’était chose accomplie, qu’elle avait réconcilié les Anglais avec les Français, « en cette manière que, pendant un ou deux ans, les Français et les Anglais, avec leurs seigneurs, devraient se vêtir d’étoffe grise, avec la petite croix cousue dessus, » et qu’ils délivreraient la Terre Sainte ? N’est-ce point ainsi qu’on parle de ceux qui vous tiennent au cœur ? Cette vierge, qui ne se trompait sur aucun sujet de sa foi, ignorante de beaucoup de choses, mais non point de celles qui concernaient le service de Dieu, ne prévoyait-elle pas ce qui aurait pu arriver de son temps, ce qui est arrivé depuis ?

En ces mêmes siècles, qui nous séparent de l’ère contemporaine, il y eut aussi ce grand événement religieux qui s’appelle la Réforme. Par là, l’unité de foi fut rompue, mais tout le reste ; tout ce qui dans votre nature, dans vos coutumes, était fait pour attirer notre sympathie, tout cela continue d’être, et d’ailleurs une remarque a été faite par un grand homme ; le comte Joseph de Maistre. Parlant de cette scission, qui s’opéra au