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principalement de Belgique : voici Mathieu van Brée, d’Anvers, le Brugeois Odevaere et le Brugeois Suvée, van Hanselaere de Gand, et Paelinck, le « Rubens moderne, » et Stapleaux, et Moll, et le mieux doué de tous, François Joseph Navez, qui a fait quelques-uns des meilleurs portraits de l’école, comme celui de la famille Hemptinne.

Aussi, après les Cent-Jours, quand parait le décret contre les régicides, l’ancien conventionnel David n’hésite pas sur le choix d’un refuge : à Bruxelles, il retrouve sa gloire et presque ses anciens disciples des belles années du Consulat. En vain le roi de Prusse, — le même qui brocante des van Eyck, — lui réitère-t-il les offres et les avances ; en vain le fait-il circonvenir par son ambassadeur, assiéger par des femmes, inviter par son propre frère : la Prusse n’est jamais lente à profiter de nos erreurs, à se peupler de nos proscrits et de nos mécontens, de nos Voltaire ou de nos protestans « révoqués. » Hélas ! quand aurons-nous fini de jeter à l’ennemi ces forces qui l’enrichissent ?… David ne se laissa pas fléchir. Le peintre septuagénaire, — pardonnons-lui certaines faiblesses en raison de cette preuve tardive qu’il a donnée de son caractère, — le vieux maître des Aigles et de Léonidas n’ira pas mourir directeur de l’Académie de Berlin : il a compris, enfin, qu’il est plus beau de n’être plus rien, quand on a été le « premier peintre » de l’Empereur, et de finir fidèle dans un exil honorable, non loin des champs où s’écroula l’Aigle de Waterloo.

Pendant ces dix années d’exil, David a peu fait pour sa gloire : le goût changeait ; un monde nouveau naissait autour de lui. Peut-être mourut-il avant d’avoir compris qu’il avait trop vécu. Mais un artiste plus jeune vivait dans l’ombre à son côté : c’était un exilé comme lui, un sculpteur encore inconnu en qui renaissait la sève puissante des statuaires bourguignons et le mâle génie du terroir. Etrange retour des choses ! Cette Belgique qui nous avait envoyé Claus Sluter, la France maintenant lui rendait François Rude. Les ouvrages de Rude à Bruxelles ont presque tous disparu : disparus, le fronton et les cariatides du théâtre de la Monnaie (construit par le Français Damesme) : disparus, les bas-reliefs de la rotonde de Tervueren, la Chasse de Méléagre et les Exploits d’Achille. Ce ne sont pas, à en juger par les moulages, les œuvres de l’auteur les plus significatives. Mais quand Rude revient à Paris en 1828