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inconnu immortalise le motif de la marche funèbre. Le tombeau de Dijon était à peine achevé qu’il était reproduit à Bourges pour le Duc de Berry par Jean de Rupy et Jean Mos-selmans d’Ypres ; et ceux-ci à leur tour n’avaient pas terminé le leur, que le roi René faisait enquérir à Bourges « si les Flamands qui avaient travaillé en la sépulture de feu le Duc de Berry y étaient encore, car ce sont les meilleurs ouvriers en ces marches de par-deçà. »

Tout est flamand dans ces débuts de la sculpture bourguignonne, et cependant rien ne permet d’en entrevoir l’origine dans les Pays-Bas ; tout est flamand, et cependant cet art n’a de racines qu’en France. Si nous en cherchons les modèles, c’est le Charles V des Célestins, ce sont les figures de Pierrefonds ou de la cheminée de Poitiers qui pourront nous les suggérer ; c’est surtout l’admirable Couronnement de la Vierge de la Ferté-Milon. N’est-ce pas là, dans cette page glorieuse entre toutes de la sculpture française, que l’art plastique prend pour la première fois cette nouvelle éloquence et cette magnificence de la période et du rythme ? Mais nous avons là-dessus un témoignage précis : en 1393, quand le Duc de Bourgogne entreprend les travaux de Dijon, où envoie-t-il ses artistes pour y prendre leurs inspirations ? Les adresse-t-il quelque part en Flandre ou en Allemagne ? Non, il les fait aller à Meung-sur-Yèvre, chez son frère, pour visiter « certains ouvrages de peintures, d’ymaiges et d’entailleures (statues et bas-reliefs) que Mgr de Berry faisait faire audit Meung, » et ce sont ces modèles que Jean de Beaumetz et Claus Sluter ont pour mission expresse d’égaler à Dijon.

C’est encore de la même Chartreuse que nous viennent les deux plus anciens monumens de la peinture flamande, — les fragmens du retable de Melchior Broederlam, au musée de Dijon, et la Vie de Saint-Denis, que Jean Malouel ou Malweel laissa inachevée à sa mort, en 1416, et qui fut terminée par son élève Henri Bellechose. Chacun connaît ce joli tableau pour l’avoir vu au Louvre : on y retrouve, avec une douceur un peu molle, toute l’élégance des ateliers parisiens. Jean Malweel était vieux et appartenait au passé. Comparé à celui des Très riches Heures du duc de Berry, qui datent de la même année, son art semble plus timide et légèrement retardataire. Mais, s’il est vrai que les Limbourg, auteurs de ce merveilleux livre, — ils