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ironiques accueillirent ces paroles) . Lorsque deux siècles durant, en une pensée commune, en de communs efforts, en un commun travail, on a vécu étroitement unis, les liens sont devenus si forts que rien, ni les raisonnemens, ni encore moins la force brutale ne sont capables de les briser…

« Les ennemis de notre cause s’appliquent à répandre dans la presse et aussi, sans doute, dans l’enceinte de cette assemblée, l’opinion que l’Alsace-Lorraine a fait, aux élections du 1er février, une démonstration purement religieuse et catholique et non une démonstration française. S’il est vrai que les vexations dont le clergé est victime en Prusse et dont s’indignent nos catholiques d’Alsace-Lorraine ont eu pour résultat d’amener sur vos bancs un si grand nombre d’honorables ecclésiastiques, connus par leur patriotisme autant que par leur foi, nous n’en protestons pas moins unanimement contre cette interprétation erronée. Elle ferait tout particulièrement sourire de dédain la fraction protestante et républicaine, dont je fais partie, si nous n’y voyions une de ces manœuvres perfides familières à certains de vos politiques et qu’il est utile de dévoiler.

« Tous, tant que nous sommes, députés d’Alsace et de Lorraine, avons été envoyés ici par nos électeurs pour affirmer, devant cette Chambre, et notre attachement à la patrie française, et notre droit de décider de notre sort sans intervention étrangère[1]

« Amère dérision ! l’Allemagne nous a revendiqués comme membres de sa famille ; c’est à titre de frères qu’elle nous réclame !… Nous prisons, plus que personne, le principe de la fraternité des peuples, mais, je vous l’avoue, il nous sera impossible de voir en vous des frères tant que vous refuserez de nous rendre à la France, notre vraie famille ! »

Enfin, en une émouvante péroraison, l’orateur s’élevait à une hauteur d’éloquence presque prophétique : « C’est dans l’ivresse de la victoire, — lançait-il, la voix stridente et en redressant sa haute taille, — c’est dans l’ivresse de la victoire qu’il faut chercher la seule et véritable cause de l’exorbitante prétention

  1. Wir sind durch unsere wähler in dieses Haus geschickt worden um ihnen unsere Anhänglichkeit an das französische Vaterland Kund zu gebem, sowie auch unser Recht über unsere Geschicke ohne Fremde Einmischung entscheiden zu dürfen. (Stenographische Berichte des deutsbhen Reichstages.)