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restons si persuadés que nous ne pouvons croire que cette parole n’ait pas été dite. Connaissons-nous tous les documens qui sont à la secrétairerie d’État ? Il nous parait impossible qu’on ait perdu de vue au Vatican que le chancelier allemand, le comte Hertling, se trouve être le chef du parti catholique en Allemagne ; que le roi de Bavière, le roi de Saxe, sont catholiques ; que l’Autriche complice se pique d’être la monarchie catholique par excellence, et que, sauf dans les temps calamiteux où le poète faisait gémir l’apôtre sur sa « place vacante à la face du fils de Dieu, » le vieillard vêtu de blanc, quoique sans armes, n’a jamais été désarmé pour la vérité et pour la justice.

Sans nous plaindre, écoutons, avec équanimité, les discours du comte Czernin, qui se fait agressif, après avoir tâché d’être insinuant, soutenu par le chœur savamment stylé de la presse viennoise, qui serait odieuse, si elle n’était ridicule. Tout ce tapage couvre une intrigue naïve, dont les fils, trop ténus et mal dirigés, ont cassé. M. Clemenceau vient de déchirer la trame d’un coup sec. Le triomphe va mal à l’Autriche : manque d’habitude. Qu’a-t-elle à se faire pardonner ? La vie allemande, la science allemande, l’industrie allemande, le génie allemand, la force allemande ; elle n’a que l’Allemagne à la bouche. Trois fois tirée d’affaire par l’épée allemande, elle a fini par croire que cette épée était la sienne, et elle vole au secours de la victoire. Mais elle est encore en retard d’une idée et de plus d’une année et de toutes ses armées. Les « offensives de paix « échouent comme les offensives de guerre. La victoire ne sera point allemande. Nous l’aurons, nous en approchons, nous la sentons monter autour de nous dans le respect, et, — l’on ne se dit pas de ces choses à soi-même, mais la conscience universelle nous le dit, — dans l’admiration du monde. Si la France avait besoin de se battre pour une revanche, elle la tient, ne la lâchera pas, et la poursuivra jusqu’au bout.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant

RENE DOUMIC.