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« Veuillez agréer, mon capitaine, l’expression de mes sentimens très respectueux.

Raymond,
« Commandant l’escadrille N. 3. »


« Monsieur le député et cher camarade,

« Je suis très ému à la pensée que vous avez eue de consacrer la gloire du capitaine Guynemer en demandant au pays de lui accorder les honneurs du Panthéon.

« Tous nous y avons songé, frappés par cette idée que seule sa coupole avait assez d’envergure pour abriter de telles ailes.

« Le pauvre petit est tombé face à l’ennemi, frappé d’une balle à la tête, en plein triomphe.

« Il m’avait juré quelques jours auparavant que les Allemands ne l’auraient pas vivant.

« Sa chute héroïque n’est pas plus glorieuse, certes, que la mort de l’artilleur tombé sur sa pièce, du fantassin tué en plein assaut, celle plus douloureuse du soldat enlizé dans la boue. Mais depuis plus de deux ans, tous l’ont vu au-dessus de leurs tètes sillonner tous les ciels, ceux des beaux soleils comme ceux des plus sombres tempêtes, portant dans ses pauvres toiles une part de leurs rêves, de leur foi dans le succès et tout ce que leur cœur avait de confiance et d’espoirs.

« C’est pour eux, sapeurs, artilleurs, fantassins, qu’il s’est battu avec l’acharnement de sa haine, toute l’audace de sa jeunesse, toute la joie de ses triomphes. Sûr que la lutte lui serait fatale, mais certain qu’à bord de son oiseau de guerre il sauvait des milliers d’existences, voyant naitre à son image des combattans comme lui, il est resté fidèle à son sacrifice, qu’il avait fait longtemps d’avance et qu’il a vu venir avec calme.

« Soldat modeste, mais conscient de la grandeur de son rôle, il avait les qualités, filles du sol qu’il a si bien défendu : la ténacité, la persévérance dans l’effort, l’insouciance du danger, auxquelles il joignait le cœur le plus généreux.

« Sa courte existence n’a connu ni les amertumes, ni les souffrances, ni les désillusions.

« Du lycée où il apprenait son histoire de France, et qu’il n’a quitté que pour en écrire une nouvelle page, il est allé à la guerre ses yeux volontaires fixes sur le but tracé, poussé par je