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le temps qui, lui aussi, se mêle de le contrarier. Une brume épaisse entoure bientôt les deux aviateurs, qui se perdent et se retrouvent, l’un, Bozon-Verduraz, sur Nieuport, l’autre, Guynemer, sur Ostende.

Le dimanche 9 septembre, Guynemer, le matin, est resté endormi. L’un de ses camarades l’appelle, lui demande s’il vient à la messe.

— Sans doute.

Guynemer assiste à la messe à Saint-Pol-sur-Mer. Le temps est mauvais : il ne vole pas ce jour-là. Et au lieu de goûter ce repos forcé, il s’en irrite comme d’une injure. Mais le lendemain, — lundi, 10 septembre, — il volera trois fois, et les trois fois une malchance impitoyable le poursuivra.

La première fois, il part sur son appareil à deux mitrailleuses. La commande de la pompe à eau est grippée : il est forcé d’atterrir sur un terrain d’aviation belge. Cependant il peut revenir. On le photographie comme il va baisser son masque. L’image ainsi obtenue montre un Guynemer crispé, tendu, tourmenté, inquiétant. Celui qui faisait trembler ses ennemis fait trembler ceux qui l’aiment. Le voici au camp d’aviation. Il débarque. Il n’a qu’un parti à prendre dès lors : attendre. D’un instant à l’autre il doit repartir pour Paris et les usines de Bue, et y prendre son avion enchanté mis au point. Qu’il aille donc le chercher. Personne ne le retient. Et précisément son autre appareil vient de lui occasionner des déboires. C’est la solution la plus simple. Elle paraît s’imposer. Oui, mais il veut son Boche auparavant. N’est-il pas dans les Flandres pour donner l’exemple, pour exalter tout le monde, aviateurs et fantassins ?

Deullin est absent. Il monte l’appareil de Deullin. Il découvre enfin dans l’espace un groupe d’avions ennemis, les attaque sans aucun souci de leur nombre, reçoit quatre balles dans son propre appareil, dont une dans la pompe à air. Une seconde fois, il est contraint à l’atterrissage et même il doit rentrer au camp en automobile. Va-t-il écouter les conseils de la sagesse, de la prudence ? Ah ! bien oui, il repart une troisième fois sur l’appareil ’du lieutenant Lagache. Cette fois, l’essence déborde par le couvercle dévissé du carburateur. Un commencement d’incendie se déclare. Guynemer est encore obligé de redescendre : il a failli prendre feu.