Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ennemies qui groupent les avions afin de les moins exposer et de leur éviter les surprises, Guynemer devance la tempête et son audace est telle qu’elle surprend même un adversaire préparé.

Les aviateurs anglais et belges du voisinage lui rendent des visites et reçoivent les siennes, il donne, il répand ses méthodes de tir. Car l’appareil pour lui n’est que l’instrument qui permet à l’arme son œuvre de mort. « Mon avion, a-t-il dit un jour, n’est qu’une mitrailleuse volante. » Et le capitaine Galliot, spécialiste de l’armement, qui répète cette formule, donne sur Guynemer, armurier et tireur, des détails qu’il faut retenir, car ils expliquent ses victoires : « Un jour, écrit-il, à Buc, Guynemer ne proclamait-il pas devant M. Daniel- Vincent : « Ce n’est pas avec des évolutions qu’on tue le Boche. On le tue en tirant dessus le plus fort et le plus juste possible… » Aussi son travail de tous les jours commençait-il par la vérification minutieuse du fonctionnement de son arme, du calibrage de ses cartouches, du réglage de ses organes de visée. Pour le réglage du moteur et de l’avion, il se confiait à ses mécaniciens, se bornant à un rôle de surveillance ; pour ses armes, c’était lui qui les soignait presque entièrement lui-même, armes et munitions… Il avait compris cette vérité, dont l’évidence n’apparaît qu’aux chasseurs de gros gibier, qu’il ne suffit pas de toucher et de toucher le premier, il faut pouvoir foudroyer, si l’on veut retarder le plus possible l’échéance fatale du jour où la victime entraînera son vainqueur avec elle dans l’abîme[1]… »

De l’appareil lui-même Guynemer a fait l’arme la plus redoutable. Le cinquantième est bien dépassé. Le 20 août, il en est à 53. Le voilà en marche pour d’autres chiffres. Est-ce la Somme qui recommence ? Le 24 août, Guynemer repart pour Paris : aux usines de Buc il veut demander la réparation de son avion blessé et un nouveau perfectionnement.


II. — LES PRÉSAGES

— Oui, le chien finit toujours par avoir raison, lui avait dit son père à Biarritz, en souriant avec mélancolie, quand

  1. Guynemer tireur de combat (Guerre aérienne du 18 octobre 1917, numéro spécial consacré à Guynemer).