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C’était un petit poème intitulé la Fée des Dunes et conçu à peu près ainsi :


Une nuit je t’ai vue, ô fée !
L’air faisait vibrer ses archets.
Et sur le sable tu marchais,
D’un rayon de lune coiffée.

On eût dit que des violons
Formaient un concert nostalgique,
Et c’était comme une musique
Qui caressait tes cheveux blonds.

Une trêve dans l’ombre douce
Flottait comme une onde qui dort ;
Et la mer blanchissante au bord
Errait comme un pas sur la mousse.

Alors tu chantas, et ta voix
S’élevant dans la nuit sereine
Sembla celle de la Sirène
Sortant de ses golfes étroits.

Et le noir sommeil de l’armée
Fut plus doux dans l’ombre des camps ;
Et le canon plein d’ouragans
Arrêta sa gueule charmée.

Comme un tyran lassé d’abus,
La mori suspendit ses tumultes
Et ce lourd bruit de catapultes
Que fait la chute des obus.

Tu chantais, et la mélodie
S’étirait dans l’air comme un fil
Qui reliait le ciel subtil
A notre terre endolorie ;

Et ce monde sombre et méchant
Faisant silence pour entendre,
Rêvait d’amour ni parut pondre
A la chaîne d’or de ton chant.

Ainsi tu chantais sur la dune,
O Sirène, au bord de la mer,
Et la voix divine était l’air
Que neigeait un rayon de lune.