Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 44.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
479
REVUE. — CHRONIQUE.

Ni l’Europe ni le monde ne le peuvent souffrir. Tant qu’un souffle les animera, ils le doivent à l’œuvre de leur libération. Jamais hommes autant que nos soldats n’ont été les témoins du genre humain. Leur devoir s’amplifie sans cesse devant eux et se magnifie. Bien des discours ont été prononcés dans ces deux semaines ; il y en a eu de mielleux et de fanfarons, d’hypocrites et de sincères, de voilés et de transparens ; il y en a eu de vains, et il y en a eu d’utiles. Nous ne voudrions pas, pour les bons du moins, pour ceux qui mériteraient d’être relus, paraître les avoir si tôt oubliés ; mais verba volant, et l’esprit fléchit sous le choc des événemens lancés à une vitesse vertigineuse. Des faits mêmes, et qui, en des temps plus calmes, eussent été considérables, comme les élections et la crise espagnoles, peuvent à peine obtenir une mention. Parmi tous ces récens discours, aucun n’a été plus utile que celui où M. Paul Deschanel, à la Sorbonne, a résumé, avec une sobriété magistrale, l’histoire française de l’Alsace-Lorraine, si ce n’est celui où, sans phrases, M. Pichona révélé les menées perfides de l’Allemagne sur Toul et Verdun pris comme gages d’une neutralité infamante dont la seule pensée, jusque dans les amertumes de la déception russe, nous est insupportable. Aucun n’a été plus topique que ceux de M. Balfour, de M. Winston Churchill et de M. Bonar Law, à la lumière desquels rien ne sera apparu plus vain que la deuxième ou troisième épitre de lord Lansdowne Aucun n’a été plus mielleux, doucereux, hypocrite que le discours du comte Hertling, vieux professeur de philosophie de l’Université de Munich, vieil homme du Centre catholique allemand, vieux pangermaniste à la mode de la Société Gœrres qu’il présida longtemps, « vieux renard, » ajoutent ses admirateurs. Mais c’est le renard de la fable, qui avait la queue coupée. D’autres, songeant à l’habileté avec laquelle il a toute sa vie profité des travaux de ses collègues et de ses élèves, le comparent plus volontiers à cet oiseau qui se plaît à pondre dans le nid du voisin. Ainsi M. de Hertling essaie de loger ses sophismes dans les messages du Président Wilson. Mais la Maison-Blanche est trop claire pour qu’il y puisse déposer ses œufs. L’Empereur, enfin, l’Empereur ! Imperatoria loquacitas. Aucun éclat de trompette n’approche, en sonorité, de la musique que font les félicitations adressées au roi de Bavière, à Hindenburg, au comte Hertling lui-même, par Guillaume II, dont le caquet avait été bien rabattu durant deux ans. Et c’est significatif : il y a de l’écho ; le ton de l’Allemagne est remonté à son diapason le plus haut. Lorsque le Kaiser fait honneur au génie de ses généraux et à la supériorité de