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REVUE. — CHRONIQUE.

sur « les impérialistes occidentaux qui, suivant lui, se seraient arrangés avec l’Allemagne pour partager la Russie ? »

Mais si les représentans de l’Entente n’avaient plus rien à faire à Pétrograd, l’Entente elle-même a encore beaucoup à faire en Russie. Beaucoup à faire, beaucoup à empêcher. L’heure des alliés d’Occident y est peut-être passée ; celle de l’allié d’Orient est venue. Pétrograd n’est pas toute la Russie, qui n’est pas toute en Europe. Il est temps que le Japon se lève pour barrer, du fond de l’Asie, la route à la Weltpolitik allemande. La première précaution à prendre est de s’assurer de Vladivostok et du Transsibérien. La Chine aussi paraît s’émouvoir, et, bien que travaillée dans le Sud par des maux dont quelques-unes des causes ne sont pas inconnues de la Wilhelmstrasse, manifeste l’intention de se couvrir et de se fermer. Voici qu’il entre dans le domaine du possible que la Russie, défaite en Europe, soit sauvée et reconstituée en Asie, et que l’Extrême-Orient fasse barrière à un péril plus redoutable dans le présent pour le monde que le Péril Jaune si bruyamment et théâtralement dénoncé. Si, comme certains symptômes l’indiqueraient, quelque chose de sain survit ou se reforme en Russie même, au milieu de la pourriture maximaliste, si un certain bourgeonnement présage la réparation de quelques cellules, si les élémens demeurés normaux du peuple russe s’aident un peu, si leur colère et leur répugnance prennent tout de suite des formes énergiques, il point encore, vers le Levant, une lueur d’espérance.

La Roumanie non plus, malgré l’abominable violence qui lui est faite, ne descend pas éternellement au tombeau ; mais elle n’en est pas moins, jusqu’à ce que la justice se soit frayé ses voies, la seconde victime des bolchevikis. Paix extorquée, paix par ultimatum, paix sous conditions, — de son nom judiciaire, chantage, — le procédé avait trop bien réussi aux Empires centraux vis-à-vis de la Russie pour qu’ils ne fussent pas tentés de l’appliquer à d’autres, et en premier lieu au petit État latin, de grande âme, que sa résolution soutenait, mais que son isolement rendait faible. Ils sont venus à quatre, l’Allemand, l’Austro-Hongrois, le Turc et le Bulgare, et ils lui ont mis le sabre, le pistolet, le yatagan et le couteau sur la gorge. Le ministère du général Averesco, — ainsi que nous en avions aussitôt exprimé la crainte, — a été contraint de s’incliner devant la force sans foi ni loi, et d’en passer par où ils ont voulu.

II a signé, le 6 mars, trois jours après le traité de Brest-Litovsk, si le geste machinalement fait par une main tenue et écrasée peut