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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La seconde quinzaine de février, — si l’on peut appeler ses treize jours une quinzaine, est attendue un peu comme fatidique depuis qu’elle déchaîna, il y a deux ans, contre Verdun, l’attaque formidable qui permit à nos troupes de donner au monde le spectacle d’un héroïsme dont il demeure émerveillé. Il semble qu’elle ne puisse pas s’achever sans qu’avec le goût des Allemands pour les anniversaires et leur manie de la répétition, elle ait été commémorée par quelque autre fête sinistre du sang et de la mort. C’est aussi parce que le printemps qui se prépare dans les profondeurs sourdes et encore froides de la terre fait à ces grandes actions des armées des conditions naturelles plus favorables. Quoi qu’il en soit, à cette date du 20, on n’entend encore rien que le canon ; et l’œil des observateurs, du haut des airs, par un ciel transparent, ne distingue rien encore que de gros rassemblemens, assez loin en arrière. On induit, on déduit, on suppute et on suppose plutôt qu’on ne voit. Les Allemands, dit-on, construisent des casernes en Belgique. Les frontières hollandaise et suisse sont, annonce-t-on, ou vont être alternativement fermées. Il est certainement revenu de Russie un nombre important de divisions ennemies. Combien en avons-nous maintenant à combattre ? Les évaluations varient de 180 à 220, et tendent à se fixer vers 195. Mais, dans la mesure de ce qu’en sait le public, c’est du raisonnement bien plus que du renseignement. Les petites chicanes quotidiennes d’une tranchée à l’autre, et la poignée ou les pincées de prisonniers qu’on y peut faire, si elles éclairent l’état-major, ne nous apprennent que peu de chose. Nous bâtissons donc de pures hypothèses sur de simples vraisemblances, ce qui d’ailleurs n’est pas absurde, le bon sens étant, au bout du compte, une forte partie de l’art militaire. Dans l’espèce, l’opération logique est élémentaire ; elle procède ainsi, en