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et le long de l’Yser. Peut-être eût-il été plus sage d’écouter dès cette époque les suggestions de de Blic et d’essayer d’occuper les fermes Terstyll et Violette avant que l’ennemi ne les eût organisées : l’échec des Belges, chargés de l’en déloger lors de l’attaque du 9 mai 1915[1], ne nous eût pas obligés, sous les feux convergens qu’il dirigeait sur nous de ces fermes et de la rive droite de l’Yser, à lâcher l’important ouvrage de l’Union dont le lieutenant de vaisseau Béra s’était emparé.

Pour l’instant, il est vrai, les fermes Terstyll et Violette n’avaient pour nous qu’un intérêt de second plan et toute l’attention était accaparée par Saint-Georges. Les quatre compagnies composant le bataillon devaient assurer en même temps la garde de la berge nord de l’Yser jusqu’à la maison F… incluse. Nous continuions cependant à nous tenir en liaison avec les chasseurs cyclistes, établis le long de la berge Sud du canal où ils progressaient en même temps que nous.

Pour cette progression, si délicate sur la mince langue de terre qui était tout notre champ d’opérations, on employait la méthode suivante : une patrouille allait poser pendant la nuit un réseau de fils de fer en avant de la position choisie ; puis elle se coulait le long des bas-côtés de la route et y faisait le guet, tandis qu’à quelques mètres derrière et sous sa protection immédiate, des hommes creusaient hâtivement la nouvelle tranchée. Rude besogne, car on ne travaillait pas ici dans la glaise, mais dans une chaussée empierrée, fortement damée et qu’il fallait attaquer au pic. Cela n’allait pas sans quelque tapage et le travail était fréquemment interrompu par des volées de mitraille qui obligeaient les hommes à se défiler. La tranchée terminée, on la couvrait, on l’occupait, et, par des boyaux creusés le long des bas-côtés, on la reliait aux tranchées subséquentes. Mais ce dernier travail, « pourtant très dur, dit le lieutenant de vaisseau L…, fut à peu près inutile, car, sur la route, dans le terrain surélevé de la chaussée, on arrivait bien à creuser une tranchée de profondeur suffisante, mais, sur les bas-côtés, qui étaient au même niveau que l’inondation, on trouvait l’eau à 40 centimètres de profondeur. » En sorte que ces boyaux, « qui coûtèrent beaucoup de peine à nos

  1. Ils ont bien pris leur revanche depuis et, en novembre dernier, un brillant coup de main des troupes belges sur la ferme Terstyll nous a assuré la possession de ce réduit.