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pas absorbés, les légumes et les fruits au contraire, à cause de leur cellulose non digestible, laissent des déchets très abondans qui sont indispensables pour l’excitation du tube digestif et l’élimination des dangereux poisons des ptomaïnes produites par la digestion des protéines.

Des lapins nourris d’alimens sans cellulose (mélange de lait, de sucre, de poudre de viande) succombent rapidement et on trouve dans leur intestin les déchets toxiques dont la stagnation les a fait mourir, tandis que si on ajoute à ce même aliment des fragmens de corne (cellulose non digérée) ils survivent fort gaillardement.

Si les carnivores (chat, tigre, etc.), peuvent se passer de végétaux c’est que leur tube digestif très court n’a pas besoin de cette excitation. L’homme par sa longueur intestinale, comme par ses mœurs, est intermédiaire entre le lapin et le tigre. Son régime carné doit donc être mitigé de végétaux riches en cellulose. Donc peu de viande, et plus on en mange, plus il faut l’accompagner de fruits et légumes, et non pas comme on fait souvent, diminuer au contraire l’apport de ceux-ci.

Nos soldats ne sont pas de grands théoriciens de la physiologie, mais ils n’en ont pas moins souvent constaté par eux-mêmes et sur eux-mêmes par l’expérience. — source unique de toute vérité, — l’inconvénient du régime carné excessif. Ils s’en plaignent parfois, et l’intendance fera bien, si elle veut leur conserver une âme légère et gaie, de mitiger de plus en plus leur alimentation trop riche en viande par des végétaux, et surtout, suivant l’heureuse suggestion de M. Gley, par un abondant appoint de fruits séchés, que la richesse en vergers de notre sol permettrait de recueillir et de garder en abondance avec un brin d’organisation.

Car il ne faut pas oublier un instant, qu’au front comme à l’arrière, ce n’est pas la santé des corps seulement, mais du même coup celle des âmes, qui dépendent d’une alimentation raisonnable. Tant que nous ne serons pas de purs esprits, il en sera de même.


CHARLES NORDMANN.