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albuminoïdes de la chair du lapin, du loup ou de l’homme, qu’entre les différens mots qu’on peut former avec les mêmes lettres ou qu’entre les différentes constructions qu’avec les mêmes pièces de métal un enfant peut faire dans le jeu du « mécano. » Or les viandes étant assez semblables à notre propre chair fournissent en fortes proportions les divers acides aminés nécessaires à la réidification de la nôtre, tandis que les albuminoïdes contenus, d’ailleurs en bien moins grande quantité, dans les alimens végétaux comme le pain, ne contiennent pas ces corps dans des proportions aussi voisines de celles qui nous sont nécessaires.

C’est pour cela que le nouveau-né se nourrit mieux du lait de sa mère que du lait de la vache. C’est pourquoi l’homme et surtout le jeune homme qui grandit a besoin de manger un peu de viande.

Il résulte d’ailleurs de ces expériences que la chair la plus utile à notre alimentation, celle du moins dont le rendement serait le meilleur pour notre développement et la restauration de nos tissus est celle qui ressemble le plus à la nôtre. Il est heureux que l’anthropophagie soit passée de mode, car elle trouverait là un argument inattendu.

Parmi les acides aminés nécessaires à la croissance de notre corps, on a découvert que l’un des plus importans est celui qui s’appelle la lysine. Des expériences faites sur de jeunes animaux ont montré qu’on accélère ou qu’on diminue leur développement à volonté en augmentant ou en réduisant la quantité de lysine qu’on leur fournit. Rien n’empêche de penser que quelque jour, on pourra appliquer ce procédé à la sélection artificielle de la race humaine et faire ainsi des enfans à volonté des géans ou des nains. — La quantité d’acides aminés contenue même dans la viande est d’ailleurs très faible, si bien qu’on peut aussi concevoir le jour où, à toute la ration de viande de notre alimentation, on pourra substituer quelques pilules de ces substances qui en auront été chimiquement extraites. Ce sera la réalisation d’un rêve de Berthelot.

D’ailleurs il faut prendre bien garde que la viande ne doit être consommée qu’en quantité très modérée, bien plus modérée qu’il n’est d’usage. On a beaucoup exagéré, notamment à propos des tuberculeux, les avantages du régime très carné. Il est en vérité plutôt nuisible. La cause en est, — si paradoxal que ça puisse paraître, — que la viande se digère presque complètement et est d’un rendement alimentaire presque parfait. Tandis que dans la viande et les œufs il n’y a guère que 2 pour 100 des albuminoïdes digérés qui ne soient