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alimens, de cette science qu’on appelle à la Faculté la bromatologie, dans le langage singulier qui faisait déjà rire Molière.

On a, aujourd’hui, établi sans réplique cette profonde vérité déjà entrevue par le génie de Lavoisier que les alimens sont essentiellement des combustibles qui sont brûlés dans notre corps exactement comme du charbon dans un poêle.

Sans parler de l’énergie nécessaire au travail que nous fournissons, l’entretien même de notre vie et de la température interne de 37° qui lui est nécessaire n’est maintenu que par la combustion (grâce à l’oxygène de l’air qu’apporte en nous la respiration) des alimens ou de notre chair elle-même quand les alimens manquent. On a mesuré avec précision que la quantité de graisse brûlée par un homme correspond à une quantité de chaleur donnée fournie à son organisme, exactement comme la chaleur d’une lampe correspond à l’huile qu’elle consomme et dans le même rapport. L’homme, — je ne plaisante pas, — est un poêle à température constante, ou, si l’on aime mieux une image plus poétique, il est un flambeau. La vie est une flamme et la belle image de Lucrèce comparant les générations aux coureurs antiques qui se passent de main en main une torche immortelle, se trouve correspondre ^exactement à la réalité, d’après les données les plus modernes de la physiologie.

Si l’homme n’avait pour vivre que les combustibles de son corps, il maigrirait rapidement jusqu’à mourir, sans parler des inconvéniens du régime carné exclusif, dont nous reparlerons, et qu’il subirait d’abord, en se nourrissant de sa propre chair. C’est pour cela qu’il emprunte à l’extérieur ces combustibles : les alimens.

A vrai dire, si on y regarde d’un peu plus près, on constate que les alimens servent à autre chose encore qu’à fournir à l’organisme la chaleur et l’énergie qui lui sont nécessaires. Chaque jour l’homme vivant élimine sous forme d’excrétions diverses une certaine quantité à peu près invariable de déchets provenant du fonctionnement de ses tissus et de ses organes. Des expériences récentes ont montré que ces excrétions se produisent, à peu près identiques, même en l’absence de toute espèce d’alimentation, et ne proviennent pas principalement, comme on l’avait cru longtemps, des déchets de l’assimilation alimentaire. Donc l’usure vitale, comme on l’a appelée, a pour effet de détruire continuellement une partie de notre chair, de notre édifice cellulaire. Une autre fonction des alimens sera précisément de réparer cette usure vitale, de fournir les élémens de la reconstitution continue des tissus usés, et en outre dans les organismes en