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c’est-à-dire tous les Français porteurs de faux-col. Finalement, la classe si intéressante et en ce moment si sacrifiée des petits employés publics ou privés, qui, elle, n’a guère vu ses gains augmenter en fonction des nouveaux prix des choses, cette classe qui, dans le système des catégories, était réduite pour le pain à la portion congrue, en eût été la victime innocente. En adoptant la ration unique pour toutes les catégories de consommateurs, on a, à mon avis, choisi la solution la plus simple et la moins injuste. Il resterait à la compléter par une propagande analogue à celle qui a eu tant de succès en Angleterre, et qui serait destinée à démontrer aux gens riches et aisés qu’ils doivent manger le moins de pain possible pour le laisser en plus grande abondance aux moins fortunés.

Ce qui fait en effet le grand intérêt du pain, ce n’est nullement qu’il soit indispensable. On peut, comme nous verrons, lui substituer beaucoup d’autres alimens. C’est qu’il est le plus économique, le moins coûteux de ceux-ci. Ceux qui ont les moyens pécuniaires de le remplacer par des mets d’un égal pouvoir nutritif, comme il en est beaucoup, ont pour devoir strict de le faire en laissant cet aliment bon marché aux plus pauvres.

Pour en terminer avec le nouveau régime du pain, je dois dire que la question du blutage dont j’avais longuement parlé ici même a reçu une solution assez heureuse. On a supprimé le blutage uniforme, dont j’avais indiqué les inconvéniens, et on a bien fait. On a simplement décidé que les meuniers devraient, du blé qui leur est fourni, extraire toute la « farine entière, » opération que les appareils de meunerie réalisent automatiquement et qui fournit un rendement à peu près proportionnel à la teneur du blé en farine blanche. Ceci ne veut nullement dire, — comme certains journaux l’ont interprété à tort, — que la meunerie est tenue d’extraire du blé la totalité de la farine qu’il contient ; j’ai montré que c’est impossible, car même dans les gros sons il reste toujours des particules de farine. Ce qu’on entend aujourd’hui par l’expression « farine entière » c’est d’après les définitions officiellement admises, le produit intégral de la mouture du blé à l’exception des recoupettes et des gros sons.

Sans entrer dans aucun nouveau détail technique sur ce que signifie cette définition, je dirai seulement qu’elle fournit finalement Une farine correspondant pratiquement à des taux de blutage compris entre 80 et 85 avec les blés courans, et qu’elle satisfait à la plupart des desiderata que j’avais exprimés dans ma récente chronique sur ce sujet.