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I

Lorsque, le 2 décembre 1823, il y aura bientôt un siècle, le président Monroe formulait dans son message au Congrès, à propos de l’intervention française en Espagne et du différend de frontières avec la Russie dans l’Amérique russe, la doctrine qui a, depuis cette date, porté son nom, et qui est devenue la doctrine politique et diplomatique des États-Unis, la République fédérale signifiait sa ferme résolution de se tenir hors des affaires de l’Europe et de ne pas souffrir, d’autre part, l’ingérence de l’Europe dans les affaires cis-atlantiques. « Les continens américains, était-il écrit dans ce message, par l’attitude libre et indépendante qu’ils ont prise et qu’ils soutiennent, ne doivent plus être considérés par aucune Puissance européenne comme une terre se prêtant à plus ample colonisation. » — Et, plus loin : « Nous n’avons jamais pris part aux guerres que les Puissances européennes se sont livrées sur des questions qui les concernent, et il n’est pas dans notre politique de le faire. » — C’est la doctrine de non-intervention, du « splendide isolement. » L’Amérique se vouait à la clôture, à la réclusion. Elle établissait entre elle et l’Europe une cloison étanche. Cette cloison ne fit, avec les années, que se fermer davantage. Le président George Washington, dans son message d’adieu au Congrès, avait solennellement mis ses concitoyens en garde contre les alliances étrangères. Aucun de ses successeurs n’enfreignit cet avis qui a pris force de tradition et de règle, et le président Grant alla jusqu’à dire en 1870 : « Le temps n’est pas loin où, par le cours naturel des événemens, tout lien politique entre l’Europe et ce continent aura cessé d’exister. »

Sur leur immense frontière de l’Ouest, au contraire, sur la façade de mer du Pacifique, même avant qu’en 1848 la Californie et le Nouveau-Mexique eussent été incorporés au territoire de la Confédération, les États-Unis, loin de suivre le principe d’exclusion et d’isolement adopté vis-à-vis de l’Europe, avaient tenu à se mettre immédiatement en rapports avec l’Extrême-Orient, avec l’Asie. Ce sont même les États-Unis qui ont le plus contribué à ouvrir au commerce, aux relations internationales, sinon le Siam et la Chine où déjà l’Angleterre, la France et le Portugal avaient créé d’importans établissemens,