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lendemain et des ordres furent donnés en conséquence aux trois colonnes d’assaut, la compagnie Huon de Kermadec demeurant en réserve sur le bord du quai. Mais, cette fois, il n’y avait plus à escompter l’effet d’une surprise. L’ennemi était sur ses gardes et le montrait assez au feu violent qu’il déclenchait sur Nieuport, les Cinq Ponts, les digues et les chaussées.

Par compensation, il est vrai, un nouvel élément allait entrer en ligne : les « canonnières fluviales » de l’enseigne Le Voyer. On fondait de grands espoirs sur leur coopération, qui était, dit-on, une idée du général Foch et qui « avait pour but de semer la panique sur les arrières de l’ennemi en prenant en enfilade Lombaertzyde et Saint Georges, tandis que les troupes du général de Buyer et du colonel Hennocque donneraient l’assaut de front. » Et cet espoir n’eût peut-être pas été trompé, si nous avions eu à notre disposition, comme le pensait Foch, de véritables canonnières. Mais celles-ci n’en avaient que le nom : c’étaient de simples vedettes dunkerquoises, de ces canots à petit moteur auxiliaire qui vont chercher la « prime » sur les bancs, au temps de la pêche harengière, et qui peuvent porter tout au plus trois ou quatre tonnes de poisson. Pas de protection ; une coque en bois fatiguée, des moteurs avariés ou complètement hors d’usage. Dans le dispositif initial, les canonnières, au nombre de six, devaient se partager en deux flottilles dont l’une opérerait sur Lombaertzyde par le canal de Plasschendaele, l’autre sur Saint-Georges par l’Yser[1]. Pour organiser et diriger cette double expédition, deux enseignes volontaires avaient été demandés à la défense mobile de Dunkerque par le ministère de la Marine. Quant aux équipages, composés de volontaires aussi, on les avait formés d’élémens pris un peu partout : au dépôt, dans la brigade, même parmi les cuirassiers, qui avaient fourni deux servans de mitrailleuses. L’ordre portait d’être rendu le 15 au petit jour à Nieuport, pour participer à l’attaque. Mais les vedettes, bien que réquisitionnées dès le 12, n’étaient arrivées aux Chantiers de France que le 14 au matin et, quelque diligence qu’on fit, il semblait

  1. Sur les observations judicieuses de l’enseigne Le Voyer, qui avait pu, dans l’après-midi du 13, se rendre en auto de Dunkerque à Nieuport et jeter un bref coup d’œil sur le secteur, la première partie de ce programme fut abandonnée : les berges du canal de Plasschendaele, sensiblement plus hautes que celles de l’Yser, n’eussent pas permis aux vedettes de tirer par-dessus.