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trône indivisible de l’Empire de Russie, du royaume de Pologne et du grand-duché de Finlande.

Mais après qu’il a eu exprimé aussi fermement sa volonté, sa conduite reste non moins énigmatique que durant les vingt mois qui se sont écoulés depuis la renonciation de Constantin ; il glisse sous une enveloppe son manifeste, y joint la lettre que son frère lui a écrite en janvier 1822, cachette ce pli et y inscrit de sa main : Garder au Conseil de l’Empire jusqu’à ce que j’en décide autrement ; mais dans le cas où je viendrais à mourir, ouvrir ce paquet en séance extraordinaire avant de procéder à tout autre acte. Puis, il mande le prince Lapoukine, président du Conseil de l’Empire, et lui remet le tout sans lui dire ce que contient l’enveloppe, mais en appelant son attention sur l’ordre qu’il y a écrit. En même temps, il fait déposer au Synode de Pétersbourg et dans les Archives du Sénat, en l’entourant du même mystère, un double de ces documens. Enfin le 27 août, pendant un séjour à Moscou, une copie en est remise avec une inscription analogue à l’archevêque Philorète. Alexandre prend ces mesures sans consulter personne et sans se douter des terribles conséquences qu’aura après son trépas sa manière de procéder. Au moment où elles venaient de se produire, le 2 janvier 1826, le prince de Metternich, écrivant au comte de Lebzeltern, ambassadeur d’Autriche en Russie, jugeait comme suit le caractère de l’empereur défunt :

« Rien dans sa tête n’était net ; il voulait le bien, mais ne savait comment s’y prendre pour l’atteindre. C’est ce qui est arrivé dans l’affaire si grave de la fixation de la succession et en la plaçant ainsi qu’il l’a fait en 1823, il a créé les embarras de 1825 et 1826. » Le chancelier impérial ne jugeait pas avec moins de sévérité le comte de Nesselrode qui, dans ces circonstances, n’avait rien su prévoir ni rien empêcher. « Il n’a pas ce qui constitue les conducteurs de barques au milieu des tempêtes. »

Pour faire comprendre dans quelle situation difficile devait se trouver le grand-duc Nicolas à la mort de l’empereur Alexandre, nous avons devancé les événemens et résumé à la date où ils se déroulèrent ceux qui ne furent connus que lorsque, brusquement et à l’improviste, la couronne tomba sur son front. Avant d’en décrire les suites, nous devons revenir en arrière et essayer de pénétrer dans l’âme du jeune prince pour