Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/868

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est et qui doit rester indissoluble ; quiconque chercherait à la rompre doit être regardé comme l’ennemi du repos du monde, et justifierait les mesures de sûreté et de conservation générale qu’alors il faudrait prendre contre lui. La France a été volontairement agrégée à cette union d’abord formée contre elle ; elle en a accepté les conditions et les conséquences, et dès lors elle a pu compter sur le même appui, sur les mêmes garanties que les autres ; ce serait un grand malheur pour la France, monsieur le comte, si elle cherchait à s’isoler, à séparer ses intérêts de l’intérêt général, ou si, par de nouveaux bouleversemens inquiétans pour.la tranquillité commune, elle dirigeait derechef contre elle l’attention de l’Europe. »

Ce langage, que justifiaient les nombreuses preuves d’attachement données par Alexandre à notre pays, en 1815 notamment et au Congrès d’Aix-la-Chapelle, où on l’avait vu déjouer par sa fermeté les exigences prussiennes, eût gagné à s’inspirer d’un peu plus de justice et de vérité. L’Empereur était-il sincère lorsqu’il protestait de son amour pour Louis XVIII et de son admiration pour ses vertus ? A Tilsitt n’avait-il pas dit de lui à Napoléon que « c’était un homme bien médiocre et tout à fait nul, » et, depuis le rétablissement, de la monarchie, ne s’était-il pas plaint à plusieurs reprises de la dignité hautaine avec laquelle ce souverain, se rappelant, quoiqu’il régnât sur une nation vaincue et ravagée par l’invasion, qu’il était Bourbon et roi de France, l’avait reçu aux Tuileries ? Etait-il juste et véridique lorsqu’il laissait entendre que la politique poursuivie à Paris par le ministre Decazes constituait un danger pour l’Europe ? Habile ou non, cette politique, toute d’ordre intérieur, qui tendait « à nationaliser la royauté et à royaliser la nation, » ne menaçait personne. La Ferronnays, dans sa réponse, l’indiqua timidement. Peut-être, en sa qualité de vieil émigré, regrettait-il que le Roi se prêtât à la lutte entreprise par ses ministres contre l’ultra-royalisme ? Mais, à supposer qu’il en fût ainsi, il n’en laissa rien paraître.

« Sire, je n’ai point d’expression, dit-il, pour peindre à Votre Majesté la vive et profonde reconnaissance que m’inspire la confiance avec laquelle elle daigne me parler, et combien il est consolant pour moi de m’assurer d’une manière si certaine et si positive que son inquiétude sur la situation de la France n’a d’autres motifs que son attachement pour le Roi et son