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cent cinquante coups à 20 mètres environ. Le Boche avait pris un angle invariable de 45° aux premières balles. Ouand je l’ai lâché, l’adjudant Bucquet l’a repris ; au cas où il n’aurait pas été en écumoire, ça l’aura aidé ; il a gardé son angle de 45° jusqu’à 500 mètres du sol où il est devenu vertical. Il a pris feu en s’écrasant… »

Le Spad l’enchante. C’est le temps des magnifiques randonnées sur la Somme. Cependant il voudrait mieux encore. Avant de formuler sa requête à l’ingénieur Béchereau, il commence par le mettre en goût : « 28 décembre 1916. — Ça va assez bien, mais j’ai regretté hier l’appareil photographique. Pugilat serré entre 10 et 2 mètres avec un bel Albatros débrouillard. On n’a échangé que quinze coups. Il m’a coupé le câble double avant à droite. Il ne restait que quelques fils. Lui, a pris une balle dans les reins. Une jolie bûche (25e) ! Maintenant, parlons des choses sérieuses. Le Spad 150 HP est bien gratté par le Halberstadt. Celui-ci ne va peut-être pas plus vite, mais monte tellement mieux que ça revient au même. Maintenant, constatons : notre nouveau modèle les aplatit tous… » Cependant il faut gagner encore en vitesse. L’hélice peut aussi être perfectionnée.

Un autre perfectionnement, d’une bien autre importance, lui apparaît dès lors réalisable. Il a conçu le plan d’un avion magique avec lequel il anéantirait l’adversaire. De même qu’il s’obstine au combat, il ne lâchera plus son idée, il la poursuivra, il l’imposera, il en obtiendra l’exécution. Mais il lui faudra déployer une ténacité épuisante ; plus d’une fois, devant les objections, devant les résistances, il entrera en fureur. Jamais il ne renoncera. Pas plus à l’usine que dans les airs, ce n’est sa manière. Et quand, après huit ou dix mois de luttes, d’essais, de recommencemens, il aura enfin son prodigieux appareil, il pourra s’en réjouir comme s’il avait lui-même, cette fois, forgé ses armes.

En janvier 1917, il pousse l’ingénieur Béchereau à hâter la fabrication : « Le printemps approche. Les Boches travaillent comme des nègres et il ne faut pas s’endormir : sans cela, couic. » Il a le style impératif. Dès lors, sa correspondance avec M. Béchereau est tout entière consacrée à l’avion magique, à ses dimensions, à ses commandes, à ses ailerons, à son réservoir, à son poids, etc. Il dessine en marge des figures, il discute point par