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L’un ou l’autre journal avait raconté que Guynemer devait porter le drapeau de l’aviation à la Revue du 14 juillet à Paris. Il n’en fallut pas davantage pour qu’on le crût reconnaître et pour qu’on acclamât quelque sosie. En réalité, il avait été question, en effet, de lui confier cette mission, mais Guynemer s’était dérobé à toute possibilité de manifestation. Il détestait la parade s’il adorait la gloire. Déjà malade, il avait voulu suivre son escadrille dans les Flandres, et s’était alité à l’arrivée.

Cette lettre porte bien sa marque, depuis l’étonnement et la joie de l’enfant élevé dans l’opulence qui, le jour de son engagement a renoncé une fois pour toutes au confort et accepté de débuter comme garçon d’aérodrome, à l’idée d’avoir une chambre à lui dans un hôpital, jusqu’à la violence du tableau où il peint la réduction de l’avion ennemi tombé en pluie de feu : « Il faut attendre que le sol sèche pour le retirer à la pioche, » depuis le rire sur le sort du passager boche jusqu’à la camaraderie qu’exaltent le grade et la décoration de son ami, le lieutenant Raymond. Il n’est pas jusqu’au : Moi qui ai mal au cœur pour rien… qui ne soit assez plaisant de la part du terrible chasseur qui tient les airs plus longtemps et plus haut que personne.

Le cheick Jabias qui avait vu le Cid au camp termine ainsi l’évocation de ses souvenirs :

Vous dominiez tout, grand, sans chef, sans joug, sans digue,
Absolu, lance au poing, panache au front…

Et le Cid ne se battait pas dans le ciel.


V. — GUYNEMER CHEZ SON PÈRE.

Cependant le cheick Jabias, que la splendeur du Cid a ébloui dans les camps, s’étonne de le retrouver devant le château paternel de Bivar occupé aux plus modestes besognes :

… Que s’est-il donc passé ? Quel est cet équipage ?
J’arrive, et je vous trouve en veste, comme un page,
Dehors, bras nus, nu-tête, et si petit garçon
Que vous avez en main l’auge et le caveçon
Et faisant ce qu’il sied aux écuyers de faire.
— Cheick, dit le Cid, je suis maintenant chez mon père.