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immédiatement. Le 6 juillet, il livre combat à cinq biplaces dont un coule en feu. Le 7, il enregistra deux victoires : « Attaqué avec l’adjudant Bozon-Verduraz quatre monoplaces Albatros vers Brimont. Abattu l’un en feu au Nord de Villers-Franqueux dans nos lignes. Attaqué un D. F. W. qui tombe en vrille à plat dans nos lignes à Moussy. »

Ces trois trophées (les 46e, 47e et 48e), ce sont les adieux de Guynemer aux rives de l’Aisne. De tels excès de fatigue ont de nouveau entraîné une dépression nerveuse. L’escadrille est transportée dans le Nord. A peine débarqué, voilà le vainqueur à l’hôpital, d’où il écrit à son père le 18 juillet :


« Mon cher papa,

« Rechute. Hôpital. Mais cette fois-ci j’ai une mine épatante. Finies les baraques. Ici nous avons une ferme à côté des champs. J’y ai une chambre. J’ai eu en effet trois Fritz (ses victoires des 6 et 7 juillet) : un biplace en feu, puis le lendemain, dans le même vol, pas mal de sport : pris quatre Boches pour des Français. Combat avec trois au début, un seul à la fin de 3 200 à 800 mètres. A ce moment, le dit seul prend feu. Il faut attendre que le sol sèche pour le retirer à la pioche. Une heure après, un biplace à 5 500. Il gaffe, se met en vrille à plat et se « pose » sur un 75, qui en mourut, le passager aussi. Le pilote était simplement un peu ému. Au fond il y avait de quoi. Il n’était pas en piqué, mais bien en ligne de vol et tournait autour de son avant. Il descendait lentement. J’ai eu ses deux mitrailleuses intactes…

« Encore trois ou quatre jours, dit le toubib, et je serai sur pattes. D’ailleurs ici le Boche est rare, mais cela ne durera sûrement pas. J’ai lu dans mon lit que la foule m’avait fait une ovation à Paris. C’est l’ubiquité. La science moderne fait vraiment des choses épatantes, elles journalistes aussi.

« Raymond a deux ficelles et la croix. Il faut le féliciter.

« Bonsoir, papa.

« GEORGES. »

« P.-S. — Moi qui ai mal au cœur pour rien, je suis allé pour la première fois en mer. La mer était vigoureusement agitée, surtout pour une vedette à pétrole, et j’ai gardé un sourire imperturbable et serein. Ce que j’étais fier !… »