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au printemps suivant, elle en a plus de quarante à sa disposition. Avant la guerre, elle s’était presque uniquement orientée dans la voie de l’aéroplane lourd. Elle revient à nos modèles de fabrication, et après avoir transposé notre Morane en son Fokker, la voici qui transpose notre Nieuport en son Albatros. Son Albatros monoplace 160 HP, avec le moteur fixe Mercedes ou Benz, devient le type habituel de ses escadrilles de chasse. Elle l’arme, en général, de deux mitrailleuses Maxim d’infanterie fixes à travers l’hélice. Enfin on commence de voir apparaître, dans ses bombardemens, la série de ses bimoteurs (Gotha 520 HP, Friedrichshafen et A. E. G. 450 HP) à grande puissance.

En tactique, elle ne tarde pas à renier l’attitude défensive qu’elle avait adoptée au début de la Somme. Elle pratique les concentrations de forces susceptibles d’obtenir, au moins momentanément, la maîtrise de l’air sur un point important, quitte à dégarnir les secteurs calmes et à refuser la lutte partout ailleurs. Elle évite la dispersion, elle ménage les aviateurs pour leur demander, quand il convient, un maximum d’efforts. La soumission de l’aviation aux autres armes nous est empruntée comme la plupart de ses innovations. « L’aviation, dit un règlement, doit être animée d’un ardent esprit offensif dans le cadre d’une étroite subordination aux volontés du commandement. »

Cet esprit offensif n’empêche point l’ennemi de préconiser la prudence dans ses rondes et reconnaissances. L’aviateur allemand ne doit livrer bataille que s’il en a reçu l’ordre. Il ne croise jamais seul, mais généralement par groupe de cinq. Pour un Boelcke qui cherche la hauteur, plonge sur l’adversaire en le mitraillant et pratique ainsi le fauconnage à la Guynemer, la plupart suivent le fameux von Richtofen qui tourne en rond en essayant d’induire l’adversaire à le suivre et qui décrit alors une spirale horizontale pour se placer derrière lui : il fait au surplus couvrir son mouvement par les avions qui l’escortent. Il convient d’ajouter que le contrôle des victoires se contente de la parole du pilote au lieu d’exiger, comme chez nous, des témoignages concordans sur la chute des appareils dans les lignes ennemies, ce qui explique les chiffres libéralement accordés à un Richtofen, à un Werner Voss. Ceux de nos Guynemer et de nos Dorme ont une autre autorité.

Or, l’ennemi s’attendait à subir, en avril 1917, une attaque