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est une date prodigieuse : il fait coup double et il tombe de 3 000 mètres. Le petit Paul Bailly ne voudra pas le croire. Il criera à la légende — la légende dorée de l’aviation. Pourtant le procès-verbal est là, paraphé par le chef d’escadrille :

« Samedi 23 septembre. — Deux combats vers Eterpigny. À 11 h 20 abattu un Boche en feu près d’Aches ; 11 h 21, fais atterrir un Boche désemparé vers Carrépuy ; 11 h 25 abattu un Boche en feu vers Roye. À 11 h 30, abattu moi-même par un obus français, j’écrase mon appareil près de Fescamps… »

Les combats se sont déroulés entre Péronne et Montdidier. À son père il précise davantage, et dans son style elliptique :


« 22 septembre : asphyxié un Fokker en 30 secondes, dégringolé, désemparé. »

« 23 septembre : 11 h 20. — Un Boche en flammes chez nous.

« 11 h 21. — Un Boche désemparé, passager tué. « 11 h 25.— Un Boche en flammes à 400 mètres des lignes. « 11 h 25 et demi. — Un 75 me fait sauter mon réservoir d’eau et toute la toile supérieure du plan supérieur gauche, d’où vrille aux petits oignons. Réussi à la transformer en glissade. Rentré à 160 ou 180 km dans le sol : tout casse en petits bouts de bois d’allumettes, puis le taxi rebondit, se retourne à 45° et revient la tête en bas se planter dans le sol à 40 m. de là, comme un piquet ; on ne pouvait plus le bouger. Il ne restait plus que le fuselage, mais il était intact : le « Spad » est solide ; avec un autre, je serais actuellement moins épais que cette feuille de papier. Je suis tombé à 100 mètres de la batterie qui m’avait démoli ; elle ne me tirait pas dessus, mais m’a descendu tout de même, elle le reconnaît sans difficulté ; c’est un coup qui m’a pris de plein fouet, bien avant d’éclater. Le Boche est tombé contre le poste du commandant Constantin. J’ai ramassé les morceaux. »


Le groupe qu’il a attaqué se composait de cinq avions, marchant en échelons, trois en haut, deux plus bas. Les deux qui volaient le plus bas furent assaillis par une de nos escadrilles qui, voyant tomber un appareil en flammes, crut tout d’abord à sa propre victoire. « C’était, explique drôlement Guynemer, — et l’on reconnaîtra le collégien de Stanislas, —