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elle parle et se plaint, mon cœur se serre horriblement, » et encore : « 27 mars, jour de ma naissance : Je l’ai passé à écouter et regarder ma mère dans son lit de douleur. Il y a trente-six ans, elle y était pour me donner le jour : qui sait si elle n’y est pas pour quitter la vie ? »

Au mois de janvier 1850, Alfred de Vigny fut assez gravement malade d’une fluxion de poitrine ; il en prévint son ami Busoni :

« Je suis au lit et assez affaibli par le sang que l’on m’a tiré. »

F. Buloz, ignorant la maladie du poète, lui écrivit pour lui parler de la Revue ; le 5 février, Vigny répondait :

« J’allais précisément vous écrire, car je pensais que ceux de mes amis dont me parlent vos lettres auraient eu récemment une bien bonne occasion de me prouver leur amitié. Depuis le 5 janvier, je suis au lit et à peine rétabli aujourd’hui d’une fluxion de poitrine et d’une fièvre très violente. Pendant plusieurs jours, j’ai été en danger. Je pense que vous l’avez ignoré tout à fait comme eux.

« Vous êtes bien bon de vous faire des reproches, vous n’êtes nullement coupable envers moi, car j’ai des volumes de lettres de vous qui me rappellent cette seconde Consultation, et loin de vous les reprocher, je vous en remercie, et j’ai toujours senti parfaitement que cette insistance était après tout une marque d’estime et même d’attachement. Ce sont ces sentimens-là qui sont les véritables et doivent demeurer durables entre vous et moi.

« Ils suffisent bien à eux seuls pour me décider à de nouvelles publications.

« Je suis loin d’oublier la Revue, car il ne se passe pas trois mois sans que je refuse d’écrire ailleurs en donnant pour raison que la Revue des Deux Mondes, dont je suis un des premiers fondateurs, a toujours été, et sera toujours mon organe.

« La dernière fois que je vous ai vu chez vous, nous étions, ce me semble, plus en accord que jamais, il y a deux mois environ. J’oublie si peu notre arrangement de la suite de Stello, que je vous ai écrit longuement de la campagne l’année dernière vers le 28 février. Relisez cette lettre dont vous me parlez si vous l’avez encore, et vous verrez pour quelles raisons je me félicitais de ce que vous, M. Bonnaire et moi, avions alors renoncé à cette publication ; j’en aurais des regrets et presque des remords