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mettez sur l’enveloppe « par Boulogne. » Si je suis à la campagne, on me l’enverra :

« 42, York Street, Portmann Square[1]. »


En 1839, Sainte-Beuve écrivait aux Juste Olivier : « De Vigny revient d’Angleterre où il va souvent ; il a hérité de son beau-père une fortune dans l’Inde : être riche, cela lui sied et réjouit ses amis. Sa poésie d’ivoire y gagnera. Un peu d’or au pied de l’albâtre. » On sait que Vigny avait épousé une Anglaise. On conte que son beau-père, M. Bunbury, dînant à l’ambassade de France avec Lamartine, alors secrétaire, dit à ce dernier : « Mon gendre est aussi un célèbre poète français. » On lui demanda le nom de ce gendre, mais il ne s’en souvint pas. On cita alors plusieurs noms de poètes, mais à chacun d’eux, M. Bunbury disait : « Non, non, ce n’est pas cela ! » A la fin, Alfred de Vigny fut cité, et le beau-père alors : « Oui, je crois que c’est cela !… »

En 1843, Vigny, qui se « recueillait » depuis longtemps, publia dans la Revue quatre de ses poèmes philosophiques : La Sauvage, La Mort du loup, La Flûte, et Le Mont des Oliviers. Avant de donner La Maison du Berger, qui parut l’année suivante, il confiait à son ami E. de la Grange : « Je fais d’autres poèmes encore, mais qu’ils soient imprimés ou non, que m’importe ? Mon cœur est un peu soulagé quand ils sont écrits. Tant de choses m’oppressent que je ne dis jamais ! C’est une saignée pour moi, que d’écrire quelque chose comme La Mort du loup. »

Et à F. Buloz, le 14 juillet 1844, à propos de son dernier poème, La Maison du Berger :

« J’envoie demander pour la première fois l’épreuve corrigée, et en pages, au farouche autocrate de la Revue, qui doit se féliciter d’avoir des compositeurs qui inventent d’aussi jolis petits mots que

Le soupir d’achin, etc.

pour

Le soupir d’adieu[2]

et la morsure pour la nature.

  1. Inédite.
  2. La nature t’attend dans un silence austère ;
    L’herbe élève à tes pieds son nuage des soirs,
    Et le soupir d’adieu du soleil à la terre, Etc.