Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/752

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« J’avais depuis onze ans précisément chez moi ce rapport de l’interrogatoire de Cinq-Mars et de Thou et de leur mort, dont vous m’avez parlé ce matin ; je l’ai cité dans les notes nombreuses de la 2e édition de Cinq-Mars, avec le traité d’Espagne, mais j’ai supprimé toutes les notes dans les 3e, 5° et 9e éditions. Je désirerais vous revoir demain mardi ou mercredi vers midi, je vous montrerai ces documens, et vous me direz si ce sont les mêmes que vous venez d’imprimer dans votre Revue de Paris. »

Après cela, Vigny revient sur la question de la nouvelle de Mme St… Il insiste. Buloz sera-t-il impitoyable ? — Qu’il voie cette jeune personne : il compte sur sa gentille timidité pour gagner sa cause auprès du directeur.

« Si je n’étais horriblement souffrant, ce soir, j’irais vous voir pour vous recommander de relire encore la nouvelle dont nous avons parlé avant de la refuser si impitoyablement. Conseillez à Mme St… de l’abréger, voyez-la, vous trouverez en elle la douceur et la timidité d’un enfant, et vous aurez fait une chose juste et bonne.

« Si vous venez demain et avant d’avoir tranché cette petite difficulté, vous me ferez bien plaisir, l’aurai aussi à vous montrer des papiers qui vous intéresseront, et à vous parler de la Revue des Deux Mondes[1]. »

Ces papiers « qui intéresseront, » et cette conversation sur la Revue des Deux Mondes, voilà l’appât, il me semble ? D’ailleurs, Vigny, bon et serviable, se dévouait avec élan. Cependant le poète ne donnait plus rien à la Revue ; il ne publiait rien d’ailleurs, et F. Buloz s’inquiétait : comme il lui reprochait son silence, Vigny lui répondait plaisamment le 7 mai[2] :

« Je ne crois pas que mon silence cause une émeute d’abonnés, mais je leur donnerais de tout mon cœur la peine de lire quelques lignes de moi, si j’en avais pu écrire quatre de suite depuis que je vous ai vu. J’ai été malade et garde-malade à la fois, je n’en puis plus. Profitez-en pour venir me voir si vous voulez bien, lundi ou mardi. J’ai des choses sérieuses à vous dire, dans votre intérêt, que j’ai plus à cœur que vous ne pensez. Voici encore un grand journal qui a la fantaisie d’avoir de mon écriture, toute mauvaise qu’elle est ; son général en chef

  1. 3 avril 1887, de Vigny à F. Buloz, inédite.
  2. 1837, 7 mai, dimanche, inédite.