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recourait à l’intervention de Vigny. « Je ne vous cache pas, écrivait alors F. Buloz à celui-ci, que je lui en veux de se servir de votre amitié pour me forcer la main, car je répugne à insérer ses vers. » Il n’inséra d’ailleurs qu’une note.

Les lettres suivantes abordent des questions du même genre. Vigny demande une réponse pour son ami M. de la Grange[1] :

« Je voudrais savoir de vous si vous insérez les deux articles de la Grange avant de lui répondre, mon cher monsieur Buloz. J’attendais un mot de M. Bonnaire à ce sujet… »

Puis, pour hâter cette réponse qui ne vient pas :

« Il y a longtemps aussi que vous vous en tenez tous deux à l’intention de m’envoyer le projet de traité en question. Je vous préviens qu’on me presse beaucoup d’un autre côté, et qu’il me faudra répondre.

« Mille complimens empressés.

« ALFRED DE VIGNY. »


Mais F. Buloz ne goûte pas les articles de M. de la Grange ; d’autre part, il ne veut pas blesser Vigny dans son amitié ; donc, il propose, ce qu’il propose toujours en pareil cas de publier le morceau dans la Revue de Paris, qu’il dirige aussi à cette époque, et qu’il fait passer en seconde ligne… Mais Vigny :

« Je ne crois pas que vous puissiez, sans le consentement de M. de la Grange, insérer ses articles dans une autre Revue que celle des Deux Mondes, à laquelle il les a destinés. Il me semble que vous pouvez retarder jusqu’à ce que j’en aie écrit à Ed. de la Grange.

« Je ne comprends pas d’ailleurs quels peuvent être vos scrupules. Lequel des hommes vivans peut croire le plus gros de ses livres d’une valeur plus grande que celle des plus petits billets de ces grands morts, Rousseau et Voltaire ?

« La lettre de Jean-Jacques au pasteur Vernes est pleine d’âme et de bonté chaleureuse. Groyez-moi, cela ne peut faire tort à la grave Revue des Deux Mondes.

« Mille complimens.

« ALFRED DE VIGNY[2]. »

  1. Ed. de la Grange, ancien officier et ancien diplomate, ami de Vigny et de Lamartine.
  2. 1er novembre 1836, inédite.