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modestes et à cette infortune. Que l’on me pardonne : j’aime ces pauvres débuts, j’y puise aussi quelque fierté. « Il faut durer, » disait F. Buloz, c’est-à-dire : il faut résister, reconstruire sans cesse, et souvent ceux dont on dit : « Ils n’ont pas de chance, » sont des victimes qui portent en elles-mêmes les causes de leurs propres défaites.

Enfin, en 1828, F. Buloz entra, comme correcteur encore, à l’imprimerie d’Éverat, 18, rue du Cadran. C’est là que se décida son avenir, et qu’il abandonna le métier de typographe, pour devenir directeur de Revue. Le changement n’est pas petit. Comme correcteur à l’imprimerie d’Everat qui était importante, ses relations avec les hommes de lettres devinrent plus fréquentes ; même il put rendre service à quelques-uns d’entre eux. C’est ainsi qu’il rencontra le docteur Véron, le fameux Véron, plus tard ami de la plus fameuse Rachel : Véron venait de fonder la première Revue de Paris. Il connut aussi Eugène Sue, dont il imprima l’Histoire de la Marine, Brizeux, Alfred de Vigny, d’autres encore : tous étaient en rapports suivis avec l’imprimerie, et avec le correcteur Buloz.

Au milieu de ces nouvelles relations, il en retrouva une ancienne, un camarade de collège, M. Auffray, imprimeur aussi, dont la maison, assez importante elle aussi, était située passage du Caire. Les relations se renouèrent entre eux : leur profession les rapprochait. M. Auffray commença d’apprécier les qualités de son ancien camarade ; il l’observa, il vit à l’œuvre la compétence professionnelle du jeune Buloz, son sens juste des affaires ; l’imprimeur, en outre, eut l’occasion de charger le correcteur de quelques négociations délicates avec certains hommes de lettres ; il put se rendre compte de l’autorité qu’avait déjà acquise le jeune homme ; il constata que celui-ci était écouté. Dès lors, sans doute, la résolution de M. Auffray fut prise. Il proposa à F. Buloz une association, en vertu de laquelle ils dirigeraient tous deux un recueil que lui, Auffray, venait d’acheter.

Ce recueil, c’était la REVUE DES DEUX MONDES, JOURNAL DES VOYAGES.

Fondée quelques mois auparavant, par MM. Mauroy et Ségur-Dupeyron, elle « se mourait, » quand M. Auffray offrit à son ami d’en relever le titre. Celui-ci accepta, et un acte fut dressé entre eux. Cet acte, signé le 1er février 1831, contient de