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conserver Lombaertzyde[1]et, par les dunes et Saint-Georges, qui était aussi à eux, les Allemands serraient assez dangereusement Nieuport et ses écluses, clef de l’inondation. Sur la rive droite de l’Yser, ils avaient presque atteint les Cinq-Ponts, — « ainsi nommés, diront plaisamment les marins, parce qu’il y en a six[2]. » Des patrouilles boches avaient pénétré de nuit dans Nieuport-Ville ; l’une d’elles avait même poussé jusqu’à la maison de l’Écluse. Elles ne se contentaient pas de faire des rafles dans nos avant-postes et lourdement, sur les murs, soulignaient leur passage d’un graffite obscène ou de quelque inscription qui voulait être terrifiante : « Paris kapout… Franzosich kapout[3]. » Le 12e et le 14e territorial[4] cependant avaient fait d’assez grosses pertes, tant en prisonniers qu’en blessés, au cours de ces engagemens. Depuis lors nos affaires s’étaient un peu rétablies, mais on n’était pas sans appréhension sur les visées secrètes de l’ennemi, qui pouvait bien tenter de nous prendre à revers par un débarquement nocturne en radeaux. Certains indices confirmaient cette hypothèse : c’est ainsi qu’on avait appris que le Kursaal d’Ostende abritait

  1. Perdu le 11 novembre, faute d’artillerie lourde. Le 3 novembre, les reconnaissances belges s’avançaient jusqu’à Lombaertzyde, l’occupaient le 4 et en étaient rejetées le 5 jusqu’à la tête de pont de Nieuport. Les 8, 9 et 10, la tentative était renouvelée par la 81e D. T., qui s’approchait jusqu’à 200 mètres des tranchées ennemies et s’y établissait. Le livret du 11e régiment d’infanterie territoriale rapporte ainsi ces derniers mouvemens : « 6 novembre. L’armée belge a ordre de rejeter les détachemens allemands sur la rive gauche de l’Yser en enlevant Schoorbakke, pendant que la 81e division d’infanterie territoriale, débouchant par Nieuport-Ville et Nieuport-Bains sur Lombaertzyde-Westende et Saint-Georges, s’établira sur la rive droite de l’Yser, face à Saint-Pierre-Capelle. Prendre l’offensive sur la rive droite de l’Yser, sur Lombaertzyde, et maintenir à tout prix l’occupation de Nieuport et les passages de l’Yser dans les environs immédiats de cette ville. (Ordres généraux des 5 et 6 novembre 1914.) Combats soutenus pour l’exécution de cette mission par la 81e division territoriale seule ; les 8, 9, 10 et 11 novembre, combats ininterrompus de Lombaertzyde, attaque de Lombaertzyde-Westende (passage de l’Yser), Nieuport-Bains et Nieuport-Ville. »
  2. Autant que de bras, le canal de Furnes, le Noord-Vaast ou Beverdyk, l’Yser canalisé, la crique de Nieuwendamme ou vieil Yser, le canal de Plasschendaele et le canal d’évacuation.
  3. « Un beau bâtiment de briques rouges : le collège. J’entre. Tout y a été démoli et saccagé ; sur les murs blancs, ces deux mentions : « Paris kapout » et « Franzosich kapout, » écrites par les Boches, mais entourées par de vigoureuses réponses en argot, en français, en belge, voire en latin ! ! ! » (Quartier-maître Luc Platt, lettre du 4 avril 1915.)
  4. Le 12e régiment d’infanterie territoriale appartenait à la 161e brigade (général de Gyvès) et le 14e à la 162e brigade (général Exelmans), composant la 81e D. T.