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royaume de Jérusalem. Et, avec Khou-n-Atonou, — c’est « le resplendissement » d’Atonou ; et Atonou est le nom d’Adonaï en Égypte, — nous remontons à des âges que seule a conservés l’Égypte, la fidèle sépulture.

Autrefois, il y a deux siècles et demi, au grand siècle, nos écrivains aimaient déjà, pour la poésie alors appelée noblesse ou dignité de leurs ouvrages, cet éloignement. Ils plaçaient leurs tragédies à Rome ou Athènes, et à cette époque idéale qaie leur notion de l’antiquité leur composait. Racine manque à cette règle ou à cet usage une fois, pour sa tragédie de Bajazet, dont l’ « aventure » est « arrivée dans le sérail il n’y a pas plus de trente ans. » Il a confiance que « l’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps. » D’ailleurs, il dit que l’aventure de Roxane et de Bajazet lui fut contée par le chevalier de Nantouillet, qui la tenait du comte de Césy, ambassadeur à Constantinople. Et il dit, en outre, que cette aventure ne se trouvait encore dans « aucune histoire imprimée : » dans une histoire, non ; mais bien dans les Nouvelles françaises ou les divertissemens de la princesse Aurélie, nouvelles où ont travaillé peut-être un peu Mademoiselle et ses amies, Mmes de Valençay, de Frontenac, de Fiesque et de Choisy. Jean Regnault de Segrais, en tout cas, les a rédigées et les a publiées une quinzaine d’années avant que Racine ne commençât d’écrire Bajazet. La sixième des Nouvelles françaises, intitulée Floridon, c’est précisément Bajazet : et Segrais ajoute qu’il a lui-même entendu M. de Césy raconter cette histoire. Segrais, avec un talent gracieux, n’avait pas de génie ; de sorte que Racine a pu le méconnaître, sinon probablement l’ignorer ; sa désinvolture, en somme, est légitime. Mais, au début des Nouvelles françaises, la princesse Aurélie, — et c’est Mademoiselle, — se moque des romans à la mode, où l’on attribue à des Grecs, à des Persans ou à des Indiens les mœurs de notre pays et les façons de la Cour. N’est-ce pas, demande t-elle, « un peu éloigné de la raison ? » Bref, elle ne dissimule pas qu’on l’ennuie avec ces prouesses d’ « honnêtes Scythes » et de « Parthes généreux : » elle voudrait qu’on leur substituât des chevaliers, et des princes français. La Grande Mademoiselle avait le goût des idées originales et audacieuses ; or, à ce moment-là, protester contre l’ « exotisme, » comme nous disons, c’était une hardiesse. Mademoiselle le savait, et c’est ce qui la séduisit un jour. Au surplus, ses hardiesses n’étaient pas de rudes convictions où elle fût très obstinée : elle a écrit la Princesse de Paphlagonie et la Relation de l’Île imaginaire, d’une île, encore