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la part d’influence qui nous sera nécessaire pour rouvrir plus tard nos débouchés à l’exportation.

N’est-ce point-là, d’ailleurs, ce procédé de collaboration que les États-Unis ont déjà employé pour eux-mêmes, en un temps où leurs moyens financiers n’étaient pas encore à la hauteur de leurs vastes conceptions ? Le concours que le marché anglais et, dans une mesure plus modeste, le marché français, ont donné aux affaires américaines, avait précisément ce caractère. Les capitaux européens ont coopéré, de longue date, à la mise en valeur de grandes entreprises, mais sous le couvert américain. Nous entrevoyons donc, pour l’avenir, une situation inverse. Les Américains ayant à placer à l’étranger un surplus de disponibilités, viendront chercher des emplois rémunérateurs sur nos grands marchés d’Europe. C’est le principe des vases communiquans, qui fera affluer vers nous une part des capitaux que les États-Unis auront en trop, et cela d’autant plus logiquement que ces capitaux, véritables bénéfices de guerre, retourneront pour une bonne part à leur lieu d’origine.

Il ne faudrait pas croire que ce programme ainsi exposé soit loin de la pensée américaine. Les États-Unis semblent, au contraire, bien préparés aux concessions nécessaires pour garder une partie de leurs avantages, car ils se rendent compte qu’on n’édifie pas une fortune durable uniquement sur le malheur des temps pour ses concurrens. C’est cet esprit conciliant et pondéré que nous trouvons, par exemple, dans les déclarations des dirigeans de la National City Bank. Son président, dans un discours au troisième Congrès du commerce étranger, en 1916, s’est exprimé sur ce sujet en ces termes :

« Nous devons nous mettre à la tâche, a-t-il dit, avec l’intention de rendre service, plutôt qu’avec un esprit de conquête, et en nous laissant sagement guider par un sentiment de droiture envers nos concurrens. Ce commerce que nous tentons aujourd’hui de nous approprier, nous ne sommes pas en état de le retenir véritablement avec notre force économique présente, mais nous profitons seulement du fait que maintenant nos concurrens sont en infériorité, et nous prenons d’eux temporairement ce que nous ne sommes pas préparés à conserver. S’il apparaît que nous ne pouvons pas rendre de services économiques dans le marché du monde, nous n’en consoli-