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la joie divine, de l’allégresse olympienne, se termine par la vocation du héros humain : vocation grave, qui impliquera toutes les luttes et beaucoup de blessures, mais peut-être la suprême récompense : la gloire. En vain liera, dont la méchanceté grandit à mesure que s’étend sur elle l’ombre froide de la mort, prédit a Héraklès les fatigues et les travaux qui l’attendent, la vanité de son effort, l’ingratitude des hommes. En vain, elle lui fait le don fatal, pernicieux aux héros énergiques : « un cœur tendre et crédule » (ein weiches Narrenherz), qui le prédestine à toutes les tortures de l’amour. Sa réponse est invariable : « Je m’appelle Héraklès, je ne voudrais changer avec personne. » Possédant la noblesse d’Artémis et le courage d’Apollon, l’esprit pénétrant de Pallas, le regard lumineux et bienveillant d’Hermès et la gaîté d’Aphrodite, il ne reçoit de son protecteur Zeus que cet unique conseil : « Garde la tête haute : méprise la canaille et ne sois pas un sot ! » Si son œuvre doit connaître la défaillance, du moins il gardera cette foi en lui-même et dans sa mission qui permet de marcher la tête haute jusqu’au bout : « O tonnerre dansant des cascades qu’environne le vol des aigles ! Que ma devise soit « Courage ! » jusqu’à mon dernier souffle. Quand même ! tel est le nom de cœur… Sottise, je te délie ! Méchanceté je te brave ! Qui jugulera jamais celui qui porte le signe de Zeus ? »


Il n’est guère possible de donner en quelques pages l’analyse du Printemps Olympien. On n’évoque pas suffisamment ainsi la prodigieuse richesse des épisodes et des descriptions, le réalisme homérique des scènes familières ni l’humour jovial qui s’y mêle à de l’émotion tragique ou à de la tendresse. Spitteler y déploie toute sa fertilité d’invention et de description, souvent gênée par le cadre étroit des ballades. L’image, chez lui, naît de l’émotion et de la passion, avec une spontanéité, une richesse qui font songer à Victor Hugo, nourrie d’une pensée large et humaine, très libre de croyances métaphysiques anciennes, tournée vers l’avenir. S’il est vrai qu’une des fonctions de la poésie soit à nous suggérer en images ce que serait un monde de liberté parfaite, affranchi de toute la misère humaine, fait pour le soleil et pour la joie, la poésie de Spitteler remplit d’abord cette première fonction. Mais elle ne se