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qui voient, grâce à la France, que Rome se souvient d’eux.

Ils sont en Amérique, aussi. Dès 1611 ils débarquent en Acadie. Champlain, quatre ans après, les suit au nom du Roi : « Le salut d’une seule âme, écrit-il, vaut mieux que la conquête d’un empire, et les rois ne doivent songer à étendre leur domination dans les pays où règne l’idolâtrie, que pour les soumettre à Jésus-Christ. » Sous le drapeau de la France, apporté par de telles mains, nos Jésuites, tout le long du siècle, reconnaissent et conquièrent l’Amérique du Nord. Pour le Christ qu’ils enracinent et pour les indigènes nomades qu’ils accueillent, ils organisent à Saint-Joseph de Sillery, aux Trois-Rivières, deux petites cités de Dieu : ce sont les premières « réductions, » devancières de ces fameuses « réductions » qui formèrent dans le Sud du continent la république chrétienne du Paraguay, et dont Chateaubriand dira qu’elles sont l’un des plus beaux ouvrages sortis de la main des hommes. Quant aux sauvages sédentaires, nos Jésuites vont les visiter ; sur les bords du Missouri, sur ceux du Mississipi, leurs courses évangéliques précèdent toute civilisation, et certains de leurs noms s’inscrivent, tout à la fois, dans l’histoire de la géographie et dans le martyrologe. Nos Sulpiciens, venus à leur tour, comptent également des martyrs. Et la Propagande, au loin, regarde avec attention cette nouvelle France qui, par des méthodes très nouvelles, fait sentir aux peuples qu’elle baptise la douceur du joug du Christ et l’absence de tout autre joug.

En France même, la Propagande a un agent : c’est le Père Joseph. D’un geste de dictateur, il a découpé trois tranches dans le bassin méditerranéen : elles sont pour les Capucins des trois provinces de France, — provinces de Paris, de Tours et de Bretagne. La Propagande approuve cette division du travail. Les Capucins s’en vont dans ces morceaux de terre, dont ils doivent faire pour Dieu des morceaux de royaume. « O saint François, s’écrie en 1638 Urbain VIII, tu voulus aller en personne au milieu des Mahométans, afin de les amener à la foi ; mais je vois que cette gloire était réservée à les fils les Capucins. » Leur programme, au Maroc, c’est de s’essayer à entamer l’Islam : ils y échouent. Leur programme, dans le Levant, est de ramener au bercail romain les chrétientés, parfois assez peuplées, que les hérésies des premiers siècles en ont détachées. Ils sont près d’une centaine, en douze ans, à se disséminer