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V

Rome à son tour, au XVIIe siècle, nous confia la foi pour la porter au monde. Elle avait, à la fin du XVe, réparti entre l’Espagne et le Portugal les océans tentateurs et les terres encore inconnues : la Croix avait commencé de naviguer, de débarquer, de compenser un peu, par de nouvelles conquêtes, les désastres que Rome subissait en Europe. Mais déjà Rome savait ces conquêtes menacées. Elle savait qu’en face des Dominicains et des Franciscains, qui révélaient le Christ aux lointains sujets de l’Espagne, des colons qui étaient des oppresseurs, et qui se disaient chrétiens, induisaient ces indigènes à mal juger le Christ, parce qu’ils le jugeaient d’après ses fidèles. Elle savait qu’au Japon les missionnaires étaient peu à peu considérés comme des agens politiques des puissances européennes, qu’on voyait en eux, non plus les hommes de Dieu, mais les hommes de leurs rois, et que toute l’œuvre de saint François Xavier périclitait. Rome, justement anxieuse, créa la congrégation de la Propagande ; et déjà, pour l’aider, l’initiative française était à l’œuvre. Le XVIIe siècle et puis le XIXe furent pour le catholicisme deux grands siècles d’activité missionnaire : Rome fut l’instigatrice ; et l’auxiliaire par excellence, l’auxiliaire qui fréquemment devança les désirs mêmes de Rome, ce fut la France.

Dès la fin du XVIe siècle, pour les missions, Jésuites français, Capucins français, sont debout. Ils ont repris à Constantinople l’ancienne maison bénédictine de Galata : sous l’assaut de la peste, ils s’y relaient les uns les autres ; il y a des morts, mais la mission vit. Et peu à peu les Jésuites s’installent, avec deux clientèles : d’une part, les grandes familles grecques, qu’ils attirent vers Rome ; d’autre part, les pauvres chrétiens du bagne, avec lesquels ils vont s’enfermer, bravant les épidémies, pour leur rendre la joie de l’âme. Ils se posent à Smyrne en 1618. Ils surviennent dans Alep en 1625 ; ils sont expulsés, mais ils rentrent et finalement ils restent. Ils organisent trois postes dans l’Archipel, à Chio, Naxie, Santorin, pour devenir des nomades à travers les îles helléniques, comme le fut saint Paul. En 1643 on les trouve à Damas ; en 1656, les voilà dans le Liban, parmi nos amis les Maronites,