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l’Angleterre se sont heureusement accordées pour hâter la résurrection du peuple hellène et prêter au peuple belge, enfin libéré de toute attache étrangère, un appui qui triompha de la malveillance des cours du Nord.

Les grandes Puissances ont constaté elles-mêmes l’utilité de leurs petits voisins. S’ils gênaient leur expansion, s’ils formaient une barrière aux agrandissemens qu’elles convoitaient, ils empêchaient entre elles des contacts irritans et des frictions dangereuses. Aussi leur diplomatie s’est-elle montrée quelquefois prévoyante, en favorisant la création de ces États tampons. Les principaux traités qui ont clôturé de longues guerres contiennent des stipulations à leur sujet. Qu’on se reporte à ceux qui réglèrent la succession d’Espagne au XVIIIe siècle et le partage de l’Europe au siècle suivant : c’est toujours à la Belgique qu’échoit le poste dangereux d’État barrière, qu’elle soit occupée malgré elle par des garnisons hollandaises, ou réunie, sans être consultée, au royaume des Pays-Bas. Lorsqu’enfin elle fut devenue maîtresse de ses destinées, les cinq grandes Puissances faisant alors la loi à l’Europe lui imposèrent une neutralité perpétuelle qu’elle devait défendre contre toute agression. La neutralisation du royaume belge, qu’était-ce donc, sinon l’interdiction à ses voisins de pénétrer dans une zone dont le maintien était nécessaire à la tranquillité européenne ? Fidèle jusqu’à l’immolation au rôle ingrat qu’elle avait accepté de ses marraines, la Belgique indépendante a amorti, en 1914, les premiers coups portés par l’Allemagne a la France.

Au Congrès de Vienne, l’impression d’effroi, laissée au cœur des vieilles dynasties par l’épopée napoléonienne, a favorisé particulièrement l’ambition de la Prusse. Elle réclamait toute la Saxe, dont le Roi, un des derniers alliés de Napoléon, aurait reçu en dédommagement un État sur la rive gauche du Rhin. C’est là que l’occupation française avait mis sa plus forte empreinte et suscité les sympathies les plus vivantes. La création d’un État intermédiaire entre la Prusse et la France, que séparait irrémédiablement la haine farouche des vaincus d’Iéna, était un acte de haute prévoyance. Elle n’eut pas cependant d’adversaire plus décidé que Talleyrand, qui permit ainsi aux Hohenzollern de s’accrocher aux deux rives du Rhin.

Si l’on parcourt les feuillets jaunis du traité de Paris de