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rarement. Plus généreuse au XIXe siècle que dans les âges antérieurs, elle y inscrivit neuf nouveaux noms. Trois appartiennent à la vieille Eglise d’Orient ; à leur suite, voici un Anglo-Saxon, Bède, puis deux Italiens, saint Pierre Damien et saint Alphonse de Liguori, et trois noms, enfin, que nous pouvons revendiquer comme nôtres : saint Hilaire, le Poitevin, dont la plume fit reculer l’arianisme romain avant que l’épée de Clovis ne fit reculer l’arianisme barbare ; saint Bernard, le Bourguignon ; saint François de Sales, le Savoisien. Le catholicisme germanique est absent de ce catalogue : c’est au-delà de la Manche et au-delà de la Méditerranée, c’est de ce côté-ci du Rhin et sur le versant méridional des Alpes que Rome éclectique a trouvé ses docteurs : parmi les flambeaux dont Rome veut que le monde s’éclaire, aucun né s’est allumé sur terre germanique.

Rome ne procède point par ukases ; elle n’improvise pas, d’un geste capricieux, les grandeurs qu’à la face du monde elle proclame ; elle constate et juge, en souveraine attentive, informée, certains désirs ou certaines familiarités séculaires de la conscience chrétienne ; et puis, librement, au jour de son choix, elle les ratifie. Ce Bernard de Clairvaux, qu’en 1830 Pie VII fit docteur, régna, vivant et mort, sur l’Europe chrétienne ; son ascendant fut décisif pour dépeupler le bercail d’un antipape, — bercail déjà nombreux, — et pour rendre à l’Eglise l’unité. On le considérait comme le dernier des Pères, et qui certainement, ajoute Mabillon, « n’était pas au-dessous des premiers. » Si l’on excepte les quatre grands docteurs de l’Eglise latine, Bernard est, de tous les Pères, celui dont les ouvrages ont été le plus souvent transcrits au moyen âge. On évalue à cinq cents à peu près le chiffre d’éditions qui furent données de ses œuvres, complètes, ou partielles : deux cents en France, et presque autant au-delà du Rhin. « L’Allemagne et la France, écrivait Otton de Freisingen, le vénéraient comme un apôtre et un prophète. »

Même unanimité du monde chrétien, en ce qui concerne saint François de Sales. Après l’Imitation, dont on ne saura probablement jamais si elle fut l’œuvre d’une âme française ou d’une âme néerlandaise, il n’est sans doute aucun livre écrit de main d’homme qui ait eu plus de prise que l’Introduction à la vie dévote sur l’intimité des âmes. « Elle a été très utile en