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en la dirigeant dans le vrai sens des intérêts du pays[1]. »

Chaque dimanche Emile Ollivier se rendait tantôt dans un village, tantôt dans un autre, et passait en revue les braves campagnards, qui, le parapluie au bras, se rangeaient en ligne pour l’écouter. Il leur adressait quelques paroles qu’ils recueillaient avec componction. Pourtant lorsque l’élection du Président de la République fut discutée et qu’Emile Ollivier, quoique peu sympathique à Cavaignac, le recommanda comme républicain de vieille roche, les Champenois, tout d’une voix, acclamèrent Louis-Napoléon Bonaparte. La popularité du préfet n’en demeura pas moins intacte. Elle inquiéta le député en fonctions. Flairant un concurrent qui pourrait être redoutable dans un avenir peu éloigné, il obtint du ministre de l’Intérieur de Louis-Napoléon, Léon Faucher, la destitution d’Emile Ollivier.

Ce fut une clameur de révolte dans le département quand on apprit le 12 janvier 1849 le renvoi de celui qui avait su inspirer, en ces dix mois d’apaisement, tant d’affection, de confiance, de sécurité. Le Conseil municipal de Chaumont se rassemble, rédige une adresse au Président de la République, lui disant « que cette mesure inattendue et imméritée produit dans tout le département un sentiment pénible. L’esprit de conciliation du préfet, sa rare intelligence dans la gestion des affaires faisaient souhaiter à tous de garder ce jeune magistrat, aussi éminent par le mérite que par le caractère. » L’Adresse fut aussitôt couverte de 30 000 signatures. Ne recevant aucune réponse, Çhaumont envoya une députation de notables plaider à Paris la cause du département, c’est-à-dire du préfet. La presse faisait rage[2]. Le Bien public, son organe le plus important, écrivait : « Jamais l’administration n’avait été plus protectrice de tous les droits, jamais les affaires n’avaient été plus sûrement étudiées et plus promptement réalisées, jamais les intérêts départementaux n’avaient été examinés avec plus de soin et d’intelligence. Demandez aux maires de nos campagnes, aux instituteurs, à nos industries en souffrance… Interrogez le conseil général, et vous apprendrez par quelle marque sans précédent il a couronné l’administration du préfet[3]. »

  1. Bien public du 1er décembre 1848.
  2. Mgr Fèvre.
  3. Ibid.