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Les collégiens reconduisirent l’orateur avec plus d’enthousiasme encore qu’ils ne l’avaient amené. La visite du préfet à travers son département excita les mêmes transports. « Les populations furent, encore plus profondément que celles du Midi, entraînées. On s’en souvenait naguère partout[1]. » Sa proclamation d’arrivée avait beaucoup plu : « Mon administration, disait-il, sera ici ce qu’elle a été dans ma ville natale : une prédication constante de la fraternité et de l’ordre. Loin de m’associer aux coteries et aux passions rivales, je demanderai l’oubli des discordes. Au lieu de passer en froides discussions, en haines stériles, le temps qui nous a été prêté pour nous rendre mutuellement heureux, aidons-nous avec indulgence, rejetons les pensées violentes et tortueuses. Dieu alors bénira nos efforts communs, et nous serons dignes d’être comptés parmi ceux dont se glorifie la France régénérée. » Il reprit le même thème à la réception des fonctionnaires et à la revue de la garde nationale : « Fermement dévoué à l’ordre, décidé à faire respecter les droits de la famille et de la propriété, à repousser l’anarchie et l’oppression sous toutes les formes, il veut, dit-il, que la République soit le règne de la liberté, de la justice et du droit. » Les Champenois continuent à l’écouter avec ferveur et lui vouent un attachement « basé sur l’estime plus encore que sur l’enthousiasme[2]. »

La tristesse d’Emile Ollivier n’en était pas moins intense. Il recommence son Journal, interrompu pendant ses quatre mois de Marseille, par une citation désenchantée de l’Ecclésiaste : « J’ai considéré les oppressions qui se commettent sous le soleil, et les opprimés sont dans les larmes, et personne ne les console ! Et j’ai trouvé les morts plus heureux que les vivans, et plus heureux que les uns et les autres ceux qui n’ont pas encore existé et qui n’ont pas vu les mauvaises actions qui se commettent sous le soleil. »

Cependant il avait reçu une lettre de Dolques, qui constatait de chères fidélités :

« Août 1848. — Ainsi tout est consommé… Vous êtes à Chaumont et vous voilà contraint à recommencer les ennuis d’une préfecture ; ils ne seront ni aussi nombreux ni aussi lourds, et vous ne trouverez point parmi vos agrestes

  1. Mgr Fèvre, Emile Ollivier.
  2. Id. ibid.