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attaques. Entre le commandement, le tir et la troupe, elle est le fil conducteur. Chacun sent en elle une alliée fidèle et sûre. Car elle voit, elle sait, elle parle, elle avertit. Mais pour tant de missions utiles, encore faut-il qu’elle soit elle-même protégée. L’observation exige l’absence des avions ennemis. Comment éloigner ceux-ci et les mettre hors d’état de nuire ? Alors intervient la cavalerie des airs, l’aviation des reconnaissances lointaines et de combat. La défense des appareils d’observation ne peut s’obtenir que par une protection à grandes distances, c’est-à-dire par des patrouilles offensives, et non par une garde isolée, trop souvent illusoire et inefficace contre un adversaire résolu. La sûreté rapprochée de l’armée ne peut être garantie qu’en portant la lutte aérienne au-dessus des lignes ennemies, qu’en interdisant l’incursion sur les nôtres. Les groupemens de nos escadrilles de combat réparties sur les deux rives de la Somme parvinrent à ce résultat.

Le Nieuport monoplace, rapide, maniable, d’une grande vitesse ascensionnelle, capable par ses qualités de pénétration dans l’air et la robustesse de sa construction de piquer de haut sur l’ennemi, de tomber sur lui comme l’oiseau de proie, est alors l’avion de chasse par excellence, en attendant l’entrée en scène du terrible Spad qui fera son apparition au cours même de la bataille (Guynemer et le caporal Sauvage montent les deux premiers au début de septembre 1916). Il est armé d’une mitrailleuse dont l’axe de tir est dirigé vers l’avant et invariablement lié à l’axe de marche de l’appareil. C’est un extraordinaire outil d’attaque, mais sa défense ne réside que dans sa rapidité de déplacement, dans sa vitesse d’évolutions. Sur ses arrières, il est désarmé : son champ de visibilité est très restreint sur les côtés et ne s’exerce aisément qu’en haut et en bas. Il peut aisément perdre de vue les avions de son groupe ou du groupe ennemi. Seul, il doit se méfier des surprises. Surprendre est, au contraire, pour lui une des conditions de la victoire, surtout s’il attaque un biplace dont le champ de tir est bien autrement étendu, ou s’il ne craint pas de choisir sa victime parmi toute une équipe. Il utilise le soleil, la brume, les nuages. Il gagne en hauteur pour garder l’avantage de pouvoir fondre sur l’adversaire. Et voici que cet adversaire, prudemment, timidement, s’avance, ne se méfiant pas du danger…

La bataille de la Somme fut le beau temps des solitaires et