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l’acceptaient presque jamais ne rentraient. Les camps d’aviation ennemis, de Ham à Péronne, guettaient, anxieux, le retour de leurs champions qui avaient osé s’engager sur les lignes françaises. Nul d’entre ceux-ci ne s’aventurait à part. À peine le nombre les rassurait-il. Groupés en patrouilles de quatre, de cinq, de six, et parfois davantage, ils ne s’avançaient que prudemment hors de chez eux, redoutant la moindre alerte, inspectant, l’angoisse au cœur, ce ciel trop vaste et vide où l’ouragan peut se lever en un instant, où ces chevaliers mystérieux montaient la garde. Et même il n’était pas rare, au cours de ces trois prodigieux premiers mois de la Somme, que nos patrouilles de chasse françaises s’en allassent tourner pendant deux heures au-dessus des terrains d’aviation allemands, abattant tous ceux qui tentaient de décoller, achevant de jeter la terreur et la consternation chez l’ennemi…

L’offensive franco-britannique se déclencha le 1er juillet (1916) sur les plateaux qui bordent les deux rives de la Somme. Le plan général des opérations avait été arrêté à Chantilly dès le mois de décembre précédent. La bataille de Verdun n’avait pu empêcher son exécution qui devait, au contraire, dégager Verdun. L’attaque portait sur un front de 40 kilomètres, entre Gommécourt au Nord et Vermandovillers au Sud du fleuve. Dès le 1er jour, les premières lignes allemandes étaient enfoncées, le 20e corps débordait le village de Curlu et tenait le bois de Favière, tandis que le 1er corps colonial et une division du 35e corps dépassaient le ravin de Fay, s’emparaient de Becquincourt, Dompierre et Bussus. Le 3, cette avance continuait sur les deuxièmes positions. En quelques jours, l’armée du général Fayolle avait ramassé 10 000 prisonniers, 75 canons et plusieurs centaines de mitrailleuses. Mais l’armée ennemie, concentrée dans la région de Péronne, avec de forts points d’appui, tels que Maurepas, Comblés et Cléry, et, plus en arrière, Bouchavesnes et Sailly-Saillisel sur la rive droite, Estrées, Belloy-en-Santerre, Barleux, Ablaincourt et Pressoire sur la rive gauche, allait opposer une résistance acharnée qui prolongea la lutte jusqu’au cœur de l’hiver. Le recul allemand de mars 1917 sur la fameuse ligne Hindenburg fut le résultat stratégique de cette dure bataille où les succès tactiques furent continus, où la liaison fut perfectionnée entre les différentes armes, où l’infanterie dépassa les limites de la souffrance, de l’endurance et de la volonté. Faut-il