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interventions tracassières : neutralité imposée et par cela même étroitement surveillée, libre accès à l’invasion des produits allemands, protection étendue de loin sur la population flamande pour cultiver des germes de division dans la vie nationale du pays, ce ne serait là sans doute que le minimum des exigences germaniques.

Une paix qui maintiendrait à l’Ouest le statu quo ante bellum avec une mainmise déguisée sur la Belgique, qui étendrait jusqu’au cœur de la Russie les tentacules de l’Empire avec des annexions le long de la Baltique, satisferait-elle la majorité des Allemands ? Justifierait-elle le Kaiser et le parti militaire d’avoir lancé le pays dans une si ruineuse entreprise ? Peut-être, mais à la condition d’ajouter aux acquisitions territoriales un vaste champ d’action politique et économique. Les ministres de l’Empereur ont trouvé, pour désigner ces exigences tenues en réserve, une formule dont l’élasticité fait frémir. Ils les appellent des garanties pour le libre développement de l’Empire. A une conférence de la paix, on les entendrait formuler leurs demandes en termes beaucoup plus clairs, lorsqu’il y serait parlé des traités de commerce, de l’Afrique, de l’Asie et de la liberté des mers.

Pendant que le chancelier et ses aides s’occupent de museler l’ours russe, les regards en Allemagne et en Autriche se tournent avec anxiété vers l’Occident. Qu’une lueur pacifique tarde trop longtemps à paraître dans ce sombre horizon, que les sacrifices s’entassent inutilement sur les sacrifices et les privations sur les privations, le moment psychologique viendra où la population se sentira à bout d’espoir et de constance. Alors, mais alors seulement, la paix, quelle qu’elle soit, la paix à tout prix, deviendrait le mot d’ordre général, le cri désespéré qu’aucune force humaine ne parviendrait à comprimer. Pour éviter cette extrémité, il n’est rien que ne tentent les nouveaux serviteurs de Guillaume II et de Charles Ier. Attendons-nous à un redoublement d’intrigues, à des chuchotemens insidieux, au va-et-vient dans la coulisse de personnages suspects et sans mandat, et aussi à une infiltration plus abondante d’argent allemand pour acheter les consciences à vendre. En même temps, l’état-major multipliera ses attaques les plus obstinées sur notre front ; il combinera de dangereux mouvemens d’enveloppement avec les divisions rappelées du front oriental. Diplomates et