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l’oreille à la propagande allemande. Ils contestent, sur la foi de ses dénégations impudentes, les excès et les crimes perpétrés en Belgique. Quelques-uns n’ont même pas respecté la stricte neutralité où les enfermaient leurs fonctions publiques. D’autres s’effarent de visées annexionnistes ou de projets d’agrandissement à leurs dépens, attribués aux Alliés, et sortis du cerveau inventif des journalistes de Berlin. Quand leurs gouvernemens comprendront-ils qu’une solidarité, impossible à nier, les lie à leurs amis, victimes des Empires centraux ? C’est la cause commune, c’est le patrimoine général des libertés et des traditions nationales, c’est le droit égal pour tous de vivre et de conserver sa place au soleil, que les petits États martyrs auront défendu, tandis que les autres silencieusement les regardaient se débattre contre la mort.


III

L’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, impuissantes à nous imposer la paix par la victoire, chercheront à nous l’imposer à la fois par leurs armes et par leur diplomatie : une paix très différente de la première assurément, mais encore tout à leur avantage. A nous d’être sur nos gardes, de ne pas choir dans les pièges qui nous seront tendus. Rien ne paraît plus utile que de chercher à connaître, avant toute chose, la situation où se trouvent nos ennemis pour traiter et de savoir à qui nous avons affaire, maintenant que le personnel gouvernemental, à Berlin comme à Vienne, a été entièrement renouvelé.

Si vigilante que soit la censure germanique, elle ne peut étouffer tous les cris de lassitude qui s’élèvent des profondeurs des Empires centraux. Elle ne parvient pas à cacher la détresse alimentaire ni la faim qui tenaille la population, non plus que le mauvais été sanitaire, conséquence inéluctable de longues privations. Elle laisse aussi percer les craintes que la prolongation de la guerre et la perte des marchés d’outre-mer inspirent pour l’avenir économique de l’Allemagne. La crise des effectifs apparaît même, comme une menace encore lointaine, à travers les déplacemens et les mélanges continuels de troupes, rideaux insuffisant qui ne trompe pas la clairvoyance des critiques militaires. Le violent effort fait par le grand quartier général pour écraser l’Italie et la détacher de l’Alliance n’est