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voici le jardin charmant. » Il est bon d’y rentrer, et de revoir aussi le jardin de Juliette, et de s’asseoir, avec le petit pâtre, au pied de la falaise de marbre d’où va se précipiter dans les flots la poétesse amoureuse et trahie. Que d’autres lieux encore, une église, un tombeau, n’a pas consacrés le génie, quand il le fallait, puissant et sombre, du musicien de Faust et de Roméo. Que de paysages enfin, depuis la Provence de Mistral, et la Venise de Musset, qu’une mélancolique, presque douloureuse barcarolle fait aujourd’hui comme jamais touchante, jusqu’aux plus pures, aux plus nobles entre les strophes lamartiniennes : Au rossignol, le Soir ou le Vallon.

Aussi bien que les fictions du théâtre, elle excelle à traduire, cette musique de Gounod, la vérité et la vie. Nous ne saurions rencontrer compagne et confidente aussi douce, tout le long de notre chemin. Les échos d’un de ses cantiques ne se mêlent-ils pas au plus pieux souvenir de notre enfance ? Que de fiancés, que de jeunes époux, ont reconnu, dans telle cantilène de Faust ou de Roméo, la voix, toutes les voix de leur amour et de leur bonheur ! Enfin il est une œuvre sacrée du maître religieux où nous pouvons, aujourd’hui plus que jamais, recourir. Mors et Vita, l’ordre seul de ces deux mots contient un enseignement, une promesse, que l’œuvre entière commente et confirme. Pleurons nos morts au chant du Requiem qui forme la première partie de l’oratorio. Mais tout d’abord, aux fermes accens de l’Ego sum resurrectio et vita, nous aurons espéré pour eux, d’une invincible espérance. Enfin, que Gallia soit encore une fois, ainsi que naguère, le psaume de la France pénitente, mais que surtout vienne bientôt le jour où les trompettes de la Messe de Jeanne d’Arc sonneront, sur le seuil de nos basiliques, en l’honneur de la France victorieuse.


CAMILLE BELLAIGUE.