Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un dernier mot sur Béatrice. Nous aurions aimé lire et relire, pour la mieux connaître et sans doute pour la goûter davantage, la partition de M. Messager. Mais elle a été éditée à Berlin. Il est vrai que c’était avant la guerre. La chose n’en est pas moins regrettable. Et quand on nous assure que plus d’une œuvre musicale française se trouve dans le cas de Béatrice, cette assurance ne fait qu’ajouter à nos regrets.


Henry VIII, de M. Camille Saint-Saëns, a été repris à l’Opéra, pour permettre à M. Battistini, le célèbre chanteur italien, d’interpréter, après Hamlet, un second ouvrage français. Le chanteur a dû hausser maint passage d’un rôle un peu trop grave pour lui. Il a d’ailleurs trouvé dans ces variantes l’occasion de poser, et de tenir, — ou de filer, — avec un art consommé, certaines notes encore délicieuses d’une voix qui, loin de tomber, semble au contraire s’être élevée avec l’âge. Quant au comédien, intelligent et soigneux, sachant donner à son visage, à ses gestes, l’expression et la vie, il a pris en quelque sorte par le dedans un rôle que ses devanciers, un Lassalle, un Delmas, avaient plutôt développé et comme projeté au dehors. Il a marqué surtout le côté sournois, cauteleux, l’inquiétude secrète et sombre du personnage. On pourrait dire en deux mots que, dans son interprétation, l’esprit de finesse a prévalu.

Après quelque trente-cinq ans, l’ensemble de l’opéra tient, ou se tient encore, d’une ferme et belle tenue. Avec cela, rien de pesant, ou de massif. Dès les premières mesures, ici comme partout, l’orchestre, l’orchestre seul de M. Saint-Saëns donne, autant que de la force, l’impression de la souplesse, et celle de la plénitude, mais celle aussi de la transparence et de la fluidité. Des pages, des suites de pages comme les deux finales du premier et du troisième acte, n’ont pas fléchi. Ni les assises n’ont cédé, ni les étages. L’hymne par où le synode s’achève, pose, ou porte, avec un magnifique aplomb sur un thème bien anglais, même anglican. Dans l’autre finale (Buckingham conduit au supplice), les chants religieux, les doléances de la foule, les amoureux a-parte du Roi et les réponses troublées de la nouvelle ; favorite, autant d’élémens qui, distribués avec ordre, nombre et mesure, s’opposent sans disparate et se mêlent sans confusion.

Peu de musique moderne, on ne saurait trop le répéter, répond, aussi bien que celle de M. Saint-Saëns, à notre goût national pour la clarté, la logique et la raison. Avant tout, elle est objet de connaissance, elle satisfait l’entendement. Si, comme son présent interprète,